Enfin, il est là, l’essai de la Stark Varg ! Avec la levée de l’embargo le 10 juin à 9 h, on se doute que les médias MX du monde entier vont saturer les internets de cette machine électrique novatrice, qui ambitionne tout simplement d’être « la meilleure de MX jamais produite. » Ce n’est pas moi que le dis, mais le créateur de la firme, Anton Wass. Mais le seul compte-rendu à lire, c’est bien celui-là !
La vidéo, pour les allergiques à la lecture.
Attention, Anton n’est pas un doux rêveur illuminé qui se pointe la fleur au fusil. Pas le genre de la maison. Quand il a monté son projet, il s’est entouré des meilleurs, du début jusqu’à la fin, d’Eric Péronnard à Sébastien Tortelli, pour parler de Français qui comptent dans le milieu du MX. La présentation de presse en elle-même nous a donné une idée du sérieux de l’opération et des moyens déployés, assez colossaux. Pensez, par exemple, que pour nous offrir un point de comparaison, Stark a acheté six 450 cm3 2022 : GASGAS, Honda, Husqvarna, Kawasaki, KTM et Yamaha. Comme l’a précisé Benjamin Cobb, le directeur de la communication, « on prend un risque en vous permettant de les essayer. » Vrai.
D’autant que si mon collègue jeune https://mx2k.com/wp-content/uploads/2022/06/Couverture-Jeux-1.jpg, qui a déjà eu l’occasion de tester une feu Alta Redshift MXR, est tout près à se laisser convaincre, ce n’est pas tout à fait la même pour moi, en tant que vétéran (pour ne pas dire vieux c.n) et adepte, donc, du « c’était mieux avant ». C’est bien connu, chaque génération dit que celle d’après fait n’importe quoi. Ce n’est pas de moi, c’est d’Orelsan, mais il faut reconnaître qu’il y a une partie de vrai là-dedans. Sans être réfractaire au progrès, je dois avouer qu’à prime abord, je suis plus 125 2T que bobine électrique… Ceci dit, j’avoue avoir un faible pour la Zoé de ma femme en utilisation urbaine. De quoi me décider à mettre les doigts dans la prise ? Tout doux… La perspective d’avoir à tout réapprendre, par exemple, en matière de pilotage ne m’excite que moyennement. Par contre, avoir une moto avec un entretien aussi réduit ? Là, la Stark Varg comme la Zoé marquent des points. Faire le filtre m’éclate autant qu’aller à l’enterrement d’un proche, ouvrir un moteur 4T me semble aussi compliqué que pratiquer un triple pontage coronarien la nuit dans la jungle. Je comprends les adeptes de la mécanique, qui aiment plus bichonner leurs motos que leurs femmes, mais ne suis pas prêt à rejoindre leur club.
Reste l’argument écologique, largement relayé par Stark et son jeune boss. Là, pour le coup, difficile de le suivre sur ce terrain. J’ai toutes les peines du monde à croire dans le fait que les quelques milliers de motos de cross qui font pet-pet le week-end aient une quelconque incidence sur le dérèglement climatique. Et de toute façon, la moto est électrique, donc est loin d’être neutre elle aussi en matière de bilan carbone, comme dirait Greta, tant pour sa fabrication que pour ses recharges. Par contre, on ne peut pas contester que le passage du thermique à l’électrique va dans le sens de l’histoire, en tout cas celle voulue par les politiques, qu’on le veuille ou non. Le Parlement Européen a acté à 2035 la fin des voitures thermiques, par exemple. Tu vas faire koi, comme disait Fatal. Il faut bien qu’il y ait une alternative, et c’est là que je craignais l’avenir. Avant la Stark Varg.
Parce que oui, maintenant que je l’ai essayé, je peux le dire : ça marche. Oubliez ce que vous saviez sur les KTM Freeride, ou autres machines plus ou moins hybrides entre moto et VTT. Là, quand on monte dessus, on est sur une moto, une vraie. « Une moto d’homme », comme on aurait dit dans le monde d’avant Alice Coffin, mais on ne peut plus se le permettre, hein. Bref, la machine est fine comme une gymnaste bulgare, la selle aussi plate. Les commandes tombent idéalement où il faut. On se retrouve vite comme sur une moto « normale ». Sauf qu’on a un gros téléphone Android incrusté dans la mousse de guidon. Une somme d’informations incompréhensibles s’affichent sur l’écran, sans qu’on ait besoin d’en tenir compte. Les motos essayées n’étaient pas des modèles définitifs mais des mixtes entre pré-productions et prototypes. Un appui long sur un des deux boutons qu’on a à gauche du guidon, et le moteur se met en route. Le bruit de ventilo permet de savoir que la machine est prête à rouler. On tourne la poignée de « gaz » et ça avance. Si on ne fait pas le malin sur les premiers mètres, clairement, la phase d’appréhension s’estompe rapidement. Sans boite de vitesses, ni bruit de moteur ni embrayage, on est un peu dépaysé, au départ, avec par contre des tas de bruits de trains roulants, et les suspensions. Chaque fois qu’on se pose après un jump, on a l’impression d’avoir tout pété. C’est pareil sur votre CRF, YZF ou SX, sauf que c’est couvert par le bruit du moteur. Flippant, n’empêche…
Au bout de quelques tours, on rentre au stand. Les mécanos du staff nous explique ce qu’on peut régler (en deux secondes) sur le téléphone : puissance, frein moteur, traction… Tout est plus ou moins paramétrable, en fait. OK, ça va demander un peu de temps pour justement savoir ce qu’on veut, mais ensuite ça peut être vraiment sympa. Là, j’avoue avoir eu du mal à répondre quand l’ingénieur m’a demandé combien de pourcentage de frein moteur je voulais en plus… 12% ? 7% ? 28% ? Qu’est-ce que tu veux répondre à ça !
Niveau châssis, ce qu’on remarque en premier est l’absence d’inertie, qui rend la machine très maniable et joueuse, malgré son poids tout de même conséquent, environ 110 kg. Un poids qu’on ressent surtout à un moment : quand on se met court ou long sur des gros sauts. A part à ce moment-là, on se croirait sur un gros 85 cm3. On se surprend à freiner fort, comme avec une thermique, et être obligé de lâcher les freins parce que c’était trop tôt. On peut aussi aller chercher des intérieurs qu’on n’aurait même pas considéré avec une 450. Franchement, c’est assez bluffant, on doit l’avouer. Le petit peu de frein moteur ajouté (7%, finalement) fait le boulot, je suis de plus en plus propre dans mes entrées de virage. Une fois calée dans les ornières, la machine la suit comme dans un rêve, sans chercher à passer au-dessus. Encore une fois, ça marche, cette histoire… Niveau puissance pure, aucun problème, il y en a largement assez. Si on ouvre d’un coup à fond, mieux vaut s’accrocher au guidon, parce que le paysage défile vite devant vos yeux. Quant à la partie-cycle, elle est rassurante et équilibrée, avec en plus des suspensions (KYB avant/arrière) tout à fait efficaces. Après quelques tours de plus, on commence à se dire que si le futur de la moto électrique c’est ça, on n’est pas si mal parti. J’arriverais à m’y faire, sans aucun doute. D’autant que le galop d’essai sur les 450 thermiques, même s’il était sympa, n’a pas retourné les esprits. J’ai pris finalement au moins autant de plaisir avec la Stark, si ce n’est plus.
Et si on parlait autonomie ? Difficile de vraiment savoir, la Stark Varg était rebranchée d’office aussitôt revenue au paddock, sur le stand qui est d’ailleurs fourni avec. Mais globalement, on peut penser qu’il sera compliqué de faire une journée complète de course sans recharger. Une charge complète dure « de une à deux heures », selon le constructeur. Pas bien précis, quoi. Incontestablement, si ça devrait bien se passer à Ernée ou Saint Jean d’Angély, ça risque de poser problème sur la ligue UFOLEP de Chichigneux-le-Temple, et bonne chance pour convaincre le président Riton de refaire l’installation électrique du terrain, alors qu’il n’y a même pas de toilettes sur le parc coureur. Qui n’est autre, d’ailleurs, qu’un champ le reste de l’année pour les vaches du même Riton. Bref, c’est là qu’est l’os. A part ça, la moto est incroyablement bien née quand même, sous la direction de Sébastien Tortelli, chef du développement. Ça marche très fort, tout en étant très facile, sécurisant et sans bruit. N’est-ce pas presque trop facile, critique émise avec le 4T à l’époque également ? Possible, l’avenir le dira. Pour l’instant, profitons du fait qu’on peut encore tout à fait rouler en 2T comme en 4T, tout en ayant cette nouvelle proposition. Qui, en plus, se révèle être particulièrement amusante tout en étant efficace. La Stark Varg n’enlèvera donc rien aux « puristes », mais elle ajoute une alternative possible à tout le monde. Tout ceux, en tout cas, qui sont prêts à mettre 12 900 € dedans. Il se trouve qu’ils sont déjà très nombreux, les prochaines livraisons ayant été repoussés en juillet 2023, déjà. Et je parierais que ce n’est pas prêt de s’arrêter, car la proposition a quand même vraiment de la gueule. Pourtant, encore une fois, je n’étais ni pour ni contre à la base, bien au contraire. Je n’ai pas été payé par la marque non plus, même j’ai toujours un RIB pas loin, au cas où. Je crains après ce «Stark Varg Friday » qu’elle n’ait pas besoin de moi, de toute façon. En plus, côté marketing, ils ne sont pas mauvais non plus. La moto arrive avec son stand/recharge, et vous pouvez aussi la personnaliser dès l’achat : taille des roues, tarage de l’amortisseur, couleur, puissance (+ 1000 € pour avoir les 80 ch de « l’Alpha »), frein arrière au pied ou à la main (très bien, à la main, d’ailleurs!), béquille latérale… Autant d’options à choisir à la commande.
En tout cas, saluons l’initiative de Stark et d’Anton Wass de mettre « all in » sur ce coup, comme on dit en poker. Ce sont des dizaines de millions d’euros (on parle de 70 millions) d’investissement qui ont été mis dans le projet. Une usine de 20 000 m2, basée à l’extérieur de Barcelone, est en cours de construction, avec pour objectif de produire 65 000 motos par an à court terme, un million à long terme. Le Monsieur, qui n’est autre qu’un des trois fondateurs de 24MX, n’est clairement pas là pour trier les lentilles. La Varg n’est que la première d’une gamme complète, qui ira de la supersport type GSX-R à pile à des minis et des trails adventure. Anton cite régulièrement Tesla comme modèle. Au début, tout le monde les regardait de travers, ces fameuses Tesla. Aujourd’hui, on se dit que finalement, ça a quand même l’air vraiment pas mal. Tirez-en vos propres conclusions. A titre personnel, si je devais m’acheter une moto de MX aujourd’hui, mon choix serait cornélien, mais la Varg serait clairement dans la short list…
Par Richard Angot, photos constructeurs.
Fiche technique
Stark Varg
12 900 €
Disponibilité été 2023
// MOTEUR :
Electrique à manchon en fibre de carbone
Batterie 6 kWh
Puissance : jusqu’à 80 ch en version « Alpha »
Couple : 95,65 mkg
// PARTIE CYCLE :
Cadre : en acier semi-porté
Fourche : KYB Ø 48 mm, déb. 310
Amortisseur : KYB, déb. 310
Freins à disque AV/AR (mm) : Ø NC
// MESURES :
Empattement (mm) : NC
Garde au sol (mm) : NC
Hauteur de selle (mm) : NC
Poids usine à sec (kg): 110
La vidéo de présentation signée Stark, en attendant la notre :