Le Supercross de Paris 2022 s’annonçait chaud bouillant, rappelez-vous, avec une grille de départ à faire saliver n’importe quel organisateur : deux (double) champions des USA de SX, Cooper Webb et Eli Tomac, le tenant du titre de King of Paris Marvin Musquin et, cerise sur le gâteau, la présence des frères Jett et Hunter pour la première fois dans l’antre parisien. Bon, voilà, on sait que depuis, les deux pépites australiennes ont été contraintes de renoncer au projet, privées qu’elles sont de sortir du territoire américain sous peine de ne plus pouvoir y rentrer de nouveau.
Au passage, oubliez les nombreuses théories du complot qui ont traîné de partout sur le web. Oui, c’est un problème de Visa et rien d’autre. Qui, plus embêtant, pourrait bien empêcher nos deux stars de venir à Paris pour un bout de temps, si nos informations sont exactes. La résolution du problème semble en effet être plus complexe que prévue et pourrait poser des soucis aux Lawrence pour Paris comme pour le MX des Nations à Ernée l’an prochain, ou juste pour aller voir les copains en Australie. Si l’on en croit nos infos (de bonne source), on n’est qu’au tout début du feuilleton… En espérant toutefois que ça finisse par se régler, parce que se priver d’eux aux Nations serait encore beaucoup plus terrible que pour le SX de Paris…
Le Supercross de Paris, justement, si l’on y revenait ? Déjà, ça fait quand même 39 ans qu’on y revient… Une organisation qui compte 39 éditions mérite forcément le respect, a fortiori quand elle a carrément eu une influence sur le carrière de quelques uns de nos meilleurs français, de JMB à Dylan Ferrandis en passant par David Vuillemin. Alors évidemment qu’aujourd’hui, une partie de la magie pourrait avoir disparu, emportée par une énième story instagram de l’assiette de Ken Roczen un mardi soir quelconque. Les plus jeunes ne comprendront sans doute jamais la claque prise en 1984 par les spectateurs (et les pilotes euros, d’ailleurs!) quand on a vu « en vrai » débarquer et rouler Johnny O’Mara, David Bailey et Rick Johnson. Des pilotes qu’on voyait alors uniquement en photo dans Moto Verte ou Moto Revue de temps en temps… Autant dire des méga-stars !
Du coup, ceux qui disent que c’était mieux avant n’ont sans doute pas tort au niveau de l’aspect magique, mais ça n’empêche pas que Bercy… Oups, Paris reste LA référence en ce qui concerne les SX hivernaux. Et malgré l’affaire Lawrence, les organisateurs ont dégainé incroyablement vite pour les remplacer par un Ken Roczen bizarrement rookie dans la capitale, et seule star assez… star, quoi, pour arriver à faire un peu oublier les négligents australiens. C’est Fucking Ken Roczen, quand même le gars !
Comme me l’a rappelé sur place un membre de l’orga, Kenny période Suzuki devait venir une fois, mais ça ne s’était finalement pas fait. Cette fois, le champion du monde de SX en titre (et oui, va falloir s’y faire) n’a pas raté le coche et est même venu avec son pote Justin Brayton dans les bagages. Un coup de poker qui s’est transformé en coup de génie, avec les deux remplaçants sur le podium, dont le vainqueur. OK, ça a dû coûter un billet, cette histoire, mais il en allait du prestige de l’épreuve. Pari gagné, donc !
Surtout après une édition 2021 qui, s’il avait eu le mérite de garder la machine allumée après le Covid, était une de transition, sans whoops, avec un circuit plutôt tranquille et un plateau atypique. L’organisation a eu le mérite de sauver la course en disant qu’elle ferait mieux l’année suivante, et c’est exactement ce qui s’est passé.
Eli Tomac, Cooper Webb, Marvin Musquin, Ken Roczen, Justin Brayton, voici pour les grosses têtes d’affiche de cette année. L’autre star incontestée de cette édition, c’est la série de whoops. Des whoops gros, espacés et nombreux qui ont permis de séparer les pilotes et ont offert une aire de dépassement aussi bienvenue qu’une trois voies sur une route de montagne. Et franchement, on s’est régalé. Certes, les deux premiers Sprint SX2 et SX1 du samedi n’ont pas été des thrillers à succès, mais ensuite c’était quand même vraiment pas mal sportivement. Avec en sommet d’intensité la finale SX1 de samedi, même si celle de dimanche n’était pas dégueu non plus.
Ceci grâce, donc, au « remplaçant ». Kenny a plus que joué le jeu de l’invité de dernière minute, en montrant une aisance assez exceptionnelle. Surtout, il n’y avait guère que lui (et un peu Brayton) pour passer aussi vite dans les whoops. Mais quand je dis vite par rapport aux autres, il faut imaginer un TGV face à un TER. Ce tous les tours, avec une régularité d’employé à la CAF. Franchement balèze le Kenny. Le dimanche, il a aussi montré ses réflexes de chat sous cocaïne pour recouper les virages et doubler Eli Tomac. Deux fois. Ce qui ne lui était pas arrivé depuis un moment, au gars Eli, on imagine. Cela dit, ils n’avaient clairement pas les mêmes objectifs en arrivant et ne sont pas dans la même position. Eli Tomac était là pour se faire plaisir et prendre encore quelques points retraite supplémentaire, sur une moto qu’il a déjà abandonné, quand K-Roc doit absolument prouver au monde entier qu’il est justement une des seules alternatives pour pouvoir battre un cador du format XXL qu’est Eli. « Je me sens super bien en ce moment, et les réglages de ma moto sont tops » sont quelques mots que j’ai réussi à arracher de lui, malgré des vigiles pas disposés à nous laisser faire le boulot. On en reparle plus bas. Il n’empêche que ce même Kenny, battu à Cardiff, a cette fois été le net patron le dimanche, et était déjà très incisif samedi… Et en plus, prêt physiquement, malgré les manches à enchaîner. Cela fait-il de lui le favori pour Anaheim 1 ? Clairement pas, non, mais il a montré ici qu’il reste capable de battre tout le monde tout le temps, quand même. Même le champion des USA en titre… Il appartient donc à un cercle très fermé !
Cela dit, ce Eli Tomac n’était pas tout à fait celui qui a enchaîné les victoires en milieu de saison US. Disons une version à 95%, ce qui est déjà super. Déjà, il était sur la 2022, lui qui est déjà passé depuis un moment sur la 23 pour commencer le testing. La terre lui a posé problème aussi, de son propre aveu. « Finir deuxième n’est jamais idéal, mais Kenny a très bien roulé et je suis hyper content de mon week-end. Les fans étaient super. » Voici en substance ce qu’il m’a dit après la course, visiblement pas plus touché que ça par la défaite. On peut imaginer qu’il a pris un chèque sympa, a fait un bon entraînement au départ et repart à Cortez heureux. Nous aussi, on l’est ! Voir rouler Eli en live, c’est comme approcher les ours blancs de près : c’est aussi beau que ça fait peur et que ça impressionne en même temps. Peu de pilotes peuvent se targuer de mettre à bloc une Yamaha 450 YZF à grand renfort de coup d’embrayage en SX ! Je ne n’imagine même pas comment ça doit faire flipper quand on est un peu petit jeune du SX Tour qui prend un tour, disons Killian Poll. N’hésite pas à commenter, Killian, si tu nous lis. Ton avis nous intéresse !
On ne va pas se faire toute la liste, mais notons que :
Marvin Musquin a bien roulé, avec des bons départ, et était dans le coup partout, sauf les whoops. On ne va pas dire que c’est une énorme surprise, mais ça reste frustrant quand le vétéran Brayton le dépose comme un paquet à la Poste… Avant, d’ailleurs, de faire la même à Cooper Webb. Un Coop’ pas à son affaire le samedi, mieux le dimanche. « On a appris beaucoup de choses sur la moto. » il a dit après la course. Bon, nous, on ne saura pas quoi. Elle est toujours orange.
Justin Brayton… 38 ans, vétéran, la meilleure vie du monde ! Le type enchaîne SX only US/SX australien depuis des lustres, en empochant des sommes plus que correctes, et continue maintenant son programme de rêve, mais sans le stress des US. A ce rythme-là, le King of Paris… 2009 (oui, l’année avec James Stewart!) sera encore sur le podium pour fêter la cinquantième édition ! Je ne vous parle même pas de sa classe dans les whoops, presque insolente. #passionJB10
Un mot sur Cédric Soubeyras, clairement au rendez-vous une nouvelle fois. Rapide partout, mais surtout comme un Américain dans les whoops, Soub’ a montré, encore, qu’il a est le meilleur « vrai » français en SX quand le terrain ressemble à ce qui se fait aux USA. Et ce malgré une énorme pelle aux essais du dimanche. Courageux, le garçon.
Mention bien aussi pour le roi de la Superpole Greg Aranda, le solide Julien Roussaly et le cascadeur Thomas Ramette, qui s’est mis le caramel du week-end, heureusement sans gravité. “Par contre la brêle, elle est morte” me dit-il en montrant des photos. Fourche cassée, pot arraché, effectivement, il n’y a plus grand chose à mettre sur leboncoin. Tant que ce n’est que du matériel… Globalement, nos français du SX Tour n’ont pas pu rivaliser avec les tops US, normal, mais ont montré que même sur un terrain aussi technique, ils savent faire. Bien mieux, par exemple, que ce pauvre Alex Ray qui avait l’air d’un poisson hors de l’eau ! Même Kevin Moranz n’a pas brillé. Par contre, on peut quand même légitimement s’inquiéter de la relève française en SX. Soub’ a 33 ans, Thomas Ramette 31 ans, Maxime Desprey 29 ans… Julien Roussaly, plus jeune, ne devrait pas forcément s’éterniser dans le coin, à suivre. Bref, on est quand même un peu dans un creux niveau SX, même si quelques atypiques comme Brice Maylin émergent en SX2.
Parlons-en, d’ailleurs, du SX2. Là aussi, on est clairement entre « américains » au-dessus. Même si je suis au courant que Matt Moss n’est pas américain, merci. Comprenez qu’il y a beaucoup évolué. Chris Blose, lui, était à un passage de whoops de remporter son premier King of Paris. Pas mal pour un type qui a annoncé prendre sa retraite l’an dernier. Belles prestations aussi de l’expérimenté Jace Owen (pas Jessie, d’ailleurs, JCV et Francis, pas Jessie…) et du jeune Cullin Park.
Les français du SX Tour, une nouvelle fois, ne vont pas assez vite dans les whoops et ne sont pas assez constants sur la durée d’une course dans les enchaînements « A » pour espérer jouer avec des solides comme Bloss, Moss ou Owen. Mais on a bien aimé le panache de Yannis « Alessi » Irsuti le samedi, et la régularité propre de Brice Maylin le dimanche. Ce dernier reste en tête du championnat, mais Lucas Imbert et Yannis Irsuti ne sont pas loin.
Et sinon, le show de ce Supercross de Paris, c’était bien ? Bah, comment dire… En fait, si le format des courses me va à peu près et prend en compte les réalités, heureusement que j’ai la chance d’avoir un accès au paddock. Désolé les gars, mais il y a vraiment trop de temps (très très) morts et d’animations à deux balles. OK pour la course YCF, au moins ça fait plaisir aux minots, et c’est la relève. Clin d’oeil au jeune Liam Morette, en passant, et à son bro’s Louis qui s’est cassé le coude la semaine dernière. Mais c’est tout. J’ai vu ET faire du beat box cent fois, et j’ai trouvé ça pénible 99 fois. Le FMX ? Pfff, ma passion pour ce sport s’est éteinte en même temps que feu le magazine Freestyle Motocross, au milieu des années 2000. La course des guidons ? Et pourquoi pas du catch dans la boue, du coup, ou une course en sac, mais Ogio ? Le top du top étant la séquence Milwaukee… TROP C’EST TROP. De la race, bordel ! Je suis loin d’être le seul à partager cette analyse. En fait, j’imagine que 90% des présents la partage. Je comprends aussi la réalité de devoir payer les factures, certes, mais là, la formule est à revoir, clairement. Mettez-nous des 2T, des 65 cm3 ou je ne sais quoi !
Dernier petit mot pour les trois abrutis de vigiles option pitbull qui « gardaient » les pits comme un lion garde son os. Et se sont pris la tête avec pas mal de personnes, dont moi-même. Je ne croyais pourtant pas être assez idiot pour m’embrouiller avec des vigiles… Faut croire que si, même sans rien dire. Le plus hargneux de cette bande de hyènes, le chauve, a été jusqu’à des menaces physiques devant témoins, sans qu’il y ait eu la moindre agressivité de ma part. Dans le jargon spécialisé, je crois qu’on appelle ça des gros c…..s. On fait un pendu ? Dommage de gâcher ainsi la fête, quand partout ailleurs l’ensemble des personnels était ultra sympa et accueillant. Mais les trois-là, si j’avais fait option MMA… Y’a des baffes qui se perdent.
Allez, Bonsoir Paris, et à l’année prochaine pour la 40e du Supercross de Paris !
Par Richard Angot, photos Vincent Boudet.
