Motocross des Nations 2022, un grand cru !
Quel Motocross des Nations on a eu la chance de vivre ce week-end ! Les Nations, cette course plus que mythique, unique occasion dans l’année (avec le tournoi des Six Nations) d’avoir en moi un léger sentiment de patriotisme !
Après le fiasco monumental, à tous les niveaux, qu’ont été les Nations 2021 à Mantova (pas de public, terrain inadapté, météo exécrable, triche des Italiens…), cette édition 2022 aux États-Unis a redoré d’un coup le blason d’une course qui en avait bien besoin après une annulation en 2020 et, une nouvelle fois, l’épisode calamiteux de Mantova l’an dernier.
Les Américains savent organiser des courses, ça va de soi, et ont mis les petits plats dans les grands pour accueillir comme il se doit ce Motocross des Nations 2022. A RedBud, qui plus est, soit le joyau de la couronne du calendrier américain. Et effectivement, cette édition restera dans les annales, notamment aussi grâce à la victoire du pays hôte. Ça, c’est une habitude, puisque depuis 2019, les Hollandais ont gagné à Assen, les Italiens à Mantova (mouais…) et, donc, les USA à RedBud. C’est où l’an prochain ?;-)))
Cette victoire, elle, ne souffre d’aucune contestation. Après être passée à travers année après année, notamment ici même à RedBud en 2018, avec une course catastrophique (sixième seulement, avec une équipe Plessinger/Tomac/Barcia), l’équipe des États-Unis n’arrivait clairement pas la fleur au fusil cette fois. Eli Tomac, Chase Sexton, Justin Cooper, c’est comme on dit du solide. Notamment les deux pilotes 450, qui ont poussé les limites l’un contre l’autre toute la saison avant de se draper ensemble dans le Star-Spangled sitôt la finale passée. On n’avait pas vu cela depuis longtemps. Et Justin Cooper a beau avoir mis du temps à récupérer de sa blessure au pied, sa fin de saison a été convaincante et ses départs sont un allié précieux sur ce type de course où il faut batailler au scratch avec des 450. Bref, tous les feux étaient au vert, mais il restait à confirmer, pas le plus simple avec la pression qui va avec.
Dès le samedi des qualifications, les USA ont posé les bases, avec une démonstration de Justin Cooper en MX2, et du très bon Tomac comme Sexton en MXGP et Open, même s’ils ont été battus au final. Le dimanche a confirmé la tendance, même si nos deux stars de la 450 sont quand même passés un poil au travers, par rapport à ce qu’ils ont montré toute la saison et leur statut d’immenses favoris. On les a senti tendu par l’enjeu, nos deux cadors. Qui s’attendait en effet à voir Jago Geerts collé à Tomac comme le sparadrap au Capitaine Haddock ? Qui s’attendait à voir Sexton se faire déboîter dans les deux manches par son gamin de coéquipier chez Honda Jett Lawrence ? Passer deux heures derrière Mattia Guadagnini ? Se faire battre à la régulière par Maxime Renaux ? Pas moi, j’avoue. Au moins, à part le samedi, Chase a réussi à ne pas user trop de visière, ce qui est déjà pas mal. Et malgré tout, les deux stars n’ont pas brillé comme la Grande Ourse, mais ont ramené l’essentiel : peu de points, et Tomac remporte quand même la première manche.
Le gros du boulot, c’est quand même le supposé maillon faible qui l’a fait aussi. Justin Cooper a galéré cette saison à revenir à son meilleur niveau, mais reconnaissons que quand il y est, il reste un talent d’élite. Avec pour joker la neuvième place dans la manche MXGP/MX2 et une superbe quatrième place ensuite en MX2/Open, il a largement assuré le succès US, lui qui s’était déjà montré plutôt à son avantage à Assen en 2019 le samedi, avant de s’accrocher avec son coéquipier Jason Anderson le lendemain.
Bref, après onze ans sans victoire, soit depuis Saint Jean d’Angély (avec Blake Baggett en MX2, les deux Ryan Dungey et Villopoto) les Américains reprennent ce Trophée Chamberlain qui leur a longtemps servi de serre-livre. Les meilleurs ont gagné, qui plus est à domicile, tant mieux pour eux, pour le sport et pour l’intérêt qu’ils vont de fait continuer à porter à la course. C’est également une sorte d’anomalie de l’histoire réparée dans la carrière de cette immense pilote qu’est Eli Tomac, qui n’avait jamais gagné les Nations. Bah voilà, c’est fait, une ligne dorée en plus sur une carrière en or massif. USA ! USA ! USA ! Plus qu’à supporter un an le chauvinisme exacerbé de Jason Thomas, par contre…
Pourtant, derrière, il y a une autre petite nation bleu/blanc/rouge qui n’a pas fait si mal, avec ce qu’elle avait. Pas favorite sur le papier, l’équipe de France s’est pourtant une nouvelle fois transcendée à l’occasion de ce Motocross des Nations, une spécificité aussi locale que les cuisses de grenouille ou l’escargot (hum, j’ai faim). Samedi, c’était parti plutôt doucement pour Maxime “Express” Renaux, bien pour Marvin Musquin et au taquet pour un Dylan Ferrandis, qui avait visiblement coché ce week-end du Motocross des Nations dans son agenda pour montrer à « son » public américain qu’il sait toujours faire de la moto, comme il l’a dit lui-même en interview.
Ce dimanche, les Français ont encore répondu présent. Maxime Renaux, vexé de sa performance de la veille, gagne quand même sa catégorie MXGP devant Tomac, avec une victoire dans la dernière manche… Décidément, ce Renaux n’a peur de rien ni personne, et s’impose comme un futur très grand dans le paysage MXGP. Quant à Dylan Ferrandis, entre chute au départ, chute tout court alors qu’il est tête et remontée de folie, il a une nouvelle fois montré que non seulement il était ce jour précis le plus rapide pilote du monde, mais aussi celui qui a le plus de panache.
Voici d’ailleurs la raison pour laquelle Dylan compte autant de fans, des deux côtés de l’Atlantique : ce panache digne des Mousquetaires du Roi, avec lesquels il partagent la coupe de cheveux. Le garçon est à l’attaque quoi qu’il arrive, du premier au dernier tour. Comment ne pas avoir envie de le suivre et de le soutenir ? S’il passe à côté d’un encore meilleur résultat individuel, nul doute que Tomac, Sexton et tous les autres pilotes basés aux US ont reçu le message : Dylan Ferrandis est de retour, et pas pour faire le nombre…
Parler de déception pour Marvin Musquin n’est pas vraiment juste, même si c’est tout de même un peu vrai. Mais pas complètement. Bref. Marvin était le bon choix pour cette équipe de France, en fonction des ressources qu’on avait au moment de la sélection pour ce Motocross des Nations. Sans Tom Vialle ni Thibault Bénistant disponibles, sa présence avait du sens. Expérience du terrain, de l’épreuve, envie de participer… Et franchement, il a fait ce qu’il a pu : se battre dans les deux manches jusqu’au bout. Il a logiquement manqué un peu de vitesse par rapport aux meilleurs de la catégorie, et surtout d’au moins un aussi bon départ que J-Coop. Reste que Marv’ termine troisième MX2 au général, et, franchement, il aurait fallu un miracle pour que l’EDF remporte cette édition. Bravo, donc, et merci à Marvin d’avoir relevé le gant : il fallait des cojones pour redescendre en 250 se battre pour le pays face à aux jeunes, avec la perspective d’en prendre plein la poire, au propre comme au figuré, sur la piste comme sur les réseaux sociaux en cas de débâcle. Pourtant, il l’a fait, sans avoir grand chose à y gagner. Respect.
Je parlais plus haut du Motocross des Nations à Saint Jean d’Angély en 2011, et nous voilà justement avec exactement le même podium USA/France/Australie. Marv’ peut d’ailleurs en parler, il était déjà là en MX2. Il s’agissait alors du premier podium des Australiens au MXdN. Depuis, rien, malgré le fait que le pays continue d’abreuver régulièrement les teams de talents, en MX comme en enduro. Cette fois, avec une génération dorée Lawrence Bro’s/Mitch Evans, on se doutait que ça pourrait le faire. Mais honnêtement, on voulait surtout voir Mozart sur une 450. Bah on a vu… Troisième tranquille de sa qualif’, vainqueur de la manche Open/MX2 et deuxième de la MXGP/Open, en doublant à chaque fois Chase Sexton, le Jett a montré qu’il ne faudrait pas bien longtemps pour s’adapter à la catégorie… Son frère a fait de jolies choses, mais aussi quelques erreurs, et Mitch Evans a malheureusement pour l’équipe loupé sa dernière manche. Un beau podium tout de même pour cette belle et jeune équipe australienne qui pourrait bien peser encore plus lourd dans les années à venir !
Un autre pilote a crevé l’écran lors de ce Motocross des Nations : Jago Geerts. Vainqueur de sa qualification face à Tomac avec le meilleur temps en course, deuxième derrière ce même Tomac en MXGP/MX2 avec encore le meilleur temps en course, puis auteur d’une belle remontée dans la dernière manche, le taiseux belge s’est fait d’un coup un nom aux USA. Propre, rapide, stylé, c’était du grand Geerts ce week-end. Dommage que ses coéquipiers soient un poil passés au travers. Bonne retraite en passant à Jeremy Van Horebeek, dont c’était la dernière sortie pro.
Big up également à Mattia Guadagnini, héros d’une manche, mention pas mal pour Dylan Wright dans la dernière, top 10 en bagarre avec quelques solides pilotes. Et Hardy Munoz, un temps pas mal du tout dans la manche MX2/Open et finalement bon douzième.
Allez, rendez-vous à Ernée pour le Motocross des Nations 2023, pour la revanche chez nous qui promet d’atteindre des sommets en terme d’excitation, avec un public qu’on imagine en nombre. Et poursuivre cette série de victoires à domicile ? Tant que ce n’est pas à l’italienne !
Par Richard Angot, photos volées.