La folie Vintage
Coucou les petits neveux ! Nous voici en février et ce week-end, eh bien c’est le Touquet. Pour la quarante-deuxième fois de l’histoire (en effet, au mépris du principe des intervalles, « l’Enduro », créé en 1975, fêtera son quarante-deuxième anniversaire le jour de sa… quarante-deuxième édition, tout simplement parce que l’épreuve n’a pas eu lieu en 1991, pour cause de Guerre du Golfe) les motos vont envahir en masse l’une des plus belles plages du littoral français.
Et dès vendredi se tiendra la troisième édition de l’épreuve réservée aux machines anciennes (pré-1990), dite « Vintage » : une plongée dans un univers oldschool qui fait assurément recette, tant en ce début de siècle la mode est au rétro. Dès son lancement, la formule a cartonné : proposé en 2015 comme un « one shot », dans le cadre des célébrations du quarantième anniversaire, l’Enduro Vintage a définitivement tapé dans le mille et l’engouement autour de l’événement ne manque pas d’impressionner.
Ainsi anciens vainqueurs, vétérans anonymes et champions d’antan, collectionneurs ou plus simplement amateurs de bijoux d’autrefois se sont-ils très vite bousculés au portillon des demandes d’engagement. Cent vingt inscrits la première année, deux cent trente-cinq l’an passé et cette fois deux cent quatre-vingt dix, une progression fulgurante ! Faut dire que ce Touquet « ’storique » ne peut que séduire : tellement plus abordable pour le commun des mortels que l’Enduropale, devenu un véritable Grand Prix très au-dessus des forces du pauvre poireau, moins long surtout (deux manches de trente minutes, au lieu de trois heures), bref nettement plus relax ! Plus cool, la course Vintage coûte aussi moins cher (180 € de droits d’entrée, contre 300 pour la « grande » épreuve), sans même parler des exigences en termes de matériel… Seul petit inconvénient, l’obligation de se libérer plus tôt dans la semaine !
Mais, sa course achevée (remise des prix le jour même à 19 heures), celui qui a participé à l’événement Vintage peut ensuite soit rentrer chez lui direct et regarder la télé (ou bien s’occuper de ses plantes grasses ou de sa collection de timbres, vider quelques chargeurs au stand de tir, s’entraîner en vue du marathon de New York, relire les œuvres complètes de Sainte Thérèse de Lisieux ou celles d’Henry Miller, que sais-je ?), soit profiter d’un plein week-end de compétition, au cœur de l’action, en spectateur plus ou moins attentif. Libre à lui alors de vadrouiller à sa guise en bord de mer quarante-huit heures durant au bras de « Manman », entouré de sa progéniture et de ses potes (ou de cocooner à l’hôtel avec sa maîtresse préférée : chacun fait, fait, fait, c’qui lui plaît, plaît, plaît…), non sans profiter bien sûr et sans aucune modération du remarquable choix de bars et de restos de la station balnéaire, « Perle de la Côte d’Opale », avec en plus, pour peu que la vieille brêle n’ait pas rendu l’âme trop tôt, la merveilleuse satisfaction du devoir accompli. Trop bon, non ?
Bien moins brutale, quoique tout de même chanmée (c’est une course, une vraie !) avec au surplus ce côté « tendance » qui lui vaut d’être mentionnée dans les pages de l’Equipe « Sport & Style » ou de Moto Heroes (voyez le genre), la dernière-née des catégories au programme du grand week-end motocycliste nordiste de l’hiver a tout pour plaire. Ainsi s’explique, pour (notamment) de nombreux gentlemen-riders de plus de 35 ans dont la motivation et les ambitions sportives se seraient peut-être un poil effilochées, l’attrait évident suscité par l’Enduro Vintage.
Tenez, rien que deux exemples. Maxime Lonza, 37 ans, a été en bon Nordiste un enragé du sable une dizaine d’années durant (dix Touquet au compteur, meilleur résultat 26ème). Mais, faute de temps (au quotidien il est représentant, toujours sur la route), Maxime avait renoncé à la compète en 2011. Le Vintage, il a assisté, plutôt ému, à la première édition. Et l’an dernier il s’est dit que c’était un truc pour lui. Il a déniché une 500 KX entièrement restaurée par un homme de l’art (le chef d’atelier de la concession KTM de Lille) qui la lui loue le temps de l’épreuve. « On dirait une moto… neuve ! J’ai fait quelques petites sorties pour me la mettre en mains, je me suis fait plaisir. Ça va être nickel », assure-t-il. Faut préciser que six de ses copains ont craqué, l’un pour une 500 CR, l’autre pour une 250, un autre pour une 250 KX, etc et, évidemment, tous se sont eux aussi engagés en Vintage. Certains « font » encore l’Enduropale, d’autres non, mais en tous cas c’est décidé : en 2018 ce sera Vintage only pour toute la bande !
Raphaël Loridan, lui, représente une autre génération, il aura 53 ans en mars prochain. Nordiste itou, il en est à trente-quatre ou trente-cinq participations à la grande classique de la Côte d’Opale, tout de même. Respect ! Il évolue aussi à un autre niveau : Raphaël a été officiel Kawasaki, fréquentant le top-ten (meilleure perf’ : 7ème en 93). Fidèle au deux-temps, après une décennie passée sur des 500 KX il a ensuite choisi de poursuivre au guidon de 250 YZ. Le Vintage, il s’y est essayé l’an dernier, sur une 250 Yamaha ex-Demeester : 5ème. Cette année il revient aux commandes d’une 500 Kawasaki qu’il s’est restaurée lui-même. Bien sûr, monsieur n’a pas lâché l’Enduropale pour autant : comme au resto, fromage et dessert, pour lui c’est sable vendredi ET dimanche ! En tous cas, le Vintage, notre homme est sous le charme : « C’est top ! On se retrouve entre copains et le mot d’ordre c’est le plaisir du partage. Participer, point. Cool. Et se tirer la bourre avec les potes sur ces vieilles brêles, c’est trop génial ! ».
Bien sûr, un tel engouement a boosté le marché des « anciennes », métamorphosé en quelques mois, dans le Nord de la France en particulier. Les machines deviennent de plus en plus difficiles à dégoter et forcément les prix ont grimpé. Certes, s’il existe nombre de collectionneurs de machines de cross « d’époque », on est encore bien loin de ce que l’on peut observer à propos des bécanes de vitesse et des motos de sport ou même de tourisme dites d’exception, des engins qui ces dernières années ont parfois vu leur cote s’envoler vers des hauteurs sidérales, à distance encore mais tout à fait dans l’aspiration de ce qui existe en matière d’automobiles anciennes. Je viens de lire quelque part que lors d’une vente aux enchères de prestige en Arizona, il y a quelques jours de cela, une Ferrari de course des années cinquante (340 America) a dépassé les cinq millions de dollars, tandis qu’une Jaguar Type E Lightweight atteignait plus de sept millions ! Bon, on se calme… On n’en est pas encore là avec nos 500 cross, très loin de pareils délires ! Mais on évoque déjà, pour des machines superbement restaurées, parfaitement « mint » et équipées de quelques bonnes pièces, des tarifs assez sensiblement supérieurs à ceux de machines modernes neuves équivalentes…
Ah oui, petite précision pour finir : on aurait pu craindre, en voyant tant d’habitués du Touquet délaisser la course du dimanche au profit de celle du vendredi qu’un tel succès fasse du tort à l’épreuve reine, selon le principe des vases communicants… Stop ! Tant mieux, il n’en est rien : ils seront quelque onze cents concurrents au départ de l’Enduropale 2017, pas moins. Record battu, depuis le début du siècle au moins…
« Illisible »
Décidément, qui comprend quelque chose avec Eli Tomac ?
Bref résumé des épisodes précédents : en mai 2015 il signait un début de championnat US outdoor inouï, dominant de façon insensée le reste du plateau avant de se crasher sévère et de rester sur le carreau ; l’année dernière, apparemment guéri et armé d’une nouvelle monture verte, il n’a remporté qu’un seul et unique supercross, un succès ultra-significatif à Daytona, mais sans suite avant d’aller se faire proprement torcher par son éternel rival Ken Roczen sur l’ensemble de l’outdoor, malgré une fracassante démonstration de force à Southwick… Parcours illisible, fait de (super) hauts et de bas, hyper difficile à déchiffrer pour le moins, de la part d’un talent pareil. Et ça ne s’est pas arrangé en ce début 2017 : on a d’abord eu l’impression que le gars du Colorado vivait un calvaire lors des trois premières épreuves (5, 6 puis 8ème, on attendait mieux, évidemment), super rapide mais, a-t-il lui-même avoué, handicapé par des avant-bras douloureux. Et bang ! Tout à coup, à Glendale, comme par miracle le voici qui se montre absolument intouchable, au-dessus du lot, comme sur une autre planète : victoire en série, holeshot en finale et ciao les amis ! Une seconde au tour plus rapide que les meilleurs, il creuse un écart impressionnant et gagne les doigts dans le nez. Du Tomac dans le texte, a-t-on envie de dire : à la cave, comme « perdu » et, huit jours plus tard, incroyablement supérieur à ses rivaux ! Ouaip, ce gars-là est l’imprévisibilité incarnée. Perso, je préfère abandonner l’idée de chercher le pourquoi du comment… Bon, ce type est capable de tout, c’est sûr. Mais voilà : que nous réserve-t-il samedi prochain ? Hum, bon courage, les parieurs !