La piste du MXGP de France à Villars-sous-Ecot a beaucoup fait parlé ce week-end, notamment le samedi. En cause, une abondance d’ornières il est vrai assez inhabituelle, en tout cas de ce côté-ci de l’Atlantique, puisque nos amis américains sont habitués à rouler sur beaucoup plus mou que nous. Loin d’être sourd aux crtitiques, Cédric Lucas, qui travaille avec JLFO et qui a dessinné la nouvelle version de cette piste de Villars-sous-Ecot, a accepté de nous donner les raisons de l’état de la terre ce week-end.
Première question simple : pourquoi c’était si mou samedi ?
L’explication est toute aussi simple : on a eu la possibilité attaquer les travaux de Villars-sous-Ecot seulement au mois d’octobre l’année dernière. Et on est tombé sur l’hiver le plus compliqué que j’ai vu depuis que je bosse là-dedans, donc à peu près quinze ans. Des hivers aussi longs, humides, pluvieux, je n’en avais jamais vu. En plus, la piste ne voit jamais le soleil l’hiver, elle est toujours à l’ombre. Donc, en fait, on n’a jamais réussi à construire cette piste dans de bonnes conditions. Tout s’est mal enchaîné. En plus, il y a quand même eu de gros efforts de fait, de la bonne terre de ramener. On a énormément remué de mètre cubes de terre pour trier la terre. Cette piste, elle devait être faite à la base en 2015, mais le club n’a pas donné suite parce qu’ils avaient peur de faire toucher la piste par quelqu’un d’autre que Youthstream, InFront maintenant. Ils avaient fait ça avec une boite de TP « normale » qui a fait ça comme des cochons. On s’en est rendu compte quand on a commencé à travailler dessus. On a retrouvé de la belle terre sous des couches de gravats qui servaient à faire du volume pour construire les sauts.
Quand l’avez-vous finalisé ?
Après, on a laissé passer le gros de l’hiver, et on a attaqué de nouveau en mars, mais même là c’était compliqué. En plus, tout le monde travaille, ça a été difficile de synchroniser les apports de terre, les machines, les entreprises partenaires… Tous ne sont pas à la disposition pour venir faire la piste de Villars-sous-Ecot comme ça. Le dernier coup de grâce qui n’a pas arrangé les choses, c’est qu’ils ont passé un broyeur à cailloux juste avant la course. Le problème, c’est que ça te décompacte la terre, ça la remue sur profond, et il faut donc la recompacter tout de suite après. Or, pour passer le broyeur, il faut que ça soit très sec. Et juste après que ça a été fait, boum, il a plu. Et comme il faut ! Il a plu vraiment jusqu’à mardi soir avant la course. Il faut déjà s’estimer heureux que la course se soit tenue sur le sec ! Quand je suis arrivé mercredi, je n’étais pas très serein. Heureusement qu’il a fait grand vent. Les mecs d’InFront se sont enterrés de partout avec les engins, obligé de les pousser au bulldozer pour qu’ils puissent mettre les ponts avec les pubs… Et que du coup je te ré-écrase la terre… C’est pour ça que le samedi, c’était effectivement un champ de mines.
En plus, je crois savoir que le planning est serré…
Sûr que la journée du samedi, c’est bien pour les fans de MX, mais quand tu fais rouler la première moto à 8 h le matin et que ça s’arrête à 18 h le soir, en non-stop, avec 100 gamins en 125, 50 filles, et presque 40 MX1 et 40 MX2 avec à peine le temps d’intervenir sur des petits trucs, un moment, il ne fait pas s’attendre à des miracles ! Le coup de bull dans le descente du fond, si on avait eu le temps, je n’aurais pas attendu la chute de Jago Geerts pour le mettre. Mais là, ils ne laissent pas le temps, justement. C’est tout le temps la pression au talkie-walkie : «ça part dans deux minutes, vous en êtes où ? ». Après le soir, on a tout refait de A à Z. Et comme ça avait quand même un peu séché en surface, on a remué avec le dessous et ça a permis d’avoir quelque chose de plus sec. Sans griffer. On a juste passé la rotative en surface. Et tout ce qui était « neuf », donc à part quelques passages comme le plateau du bas, sûr que ça s’est énormément détérioré, oui. Le dimanche, on avait aussi plus de temps pour refaire, avec moins de catégories au programme.
On a pas mal entendu parler du triple en montée, aussi.
On est arrivé, c’était tout mou. L’appel, il te pompait toute la puissance des motos, avec des ornières comme au SX de Genève en 1990. Ce saut, quand il aura bien bétonné, ils vont tous se mettre derrière à plat ! Le but, ce n’était pas que trois mecs sur quarante sautent, même si ça a fait des différences. Dans des bonnes conditions, l’idée c’était de pouvoir en mettre plein la vue aux spectateurs de la nouvelle partie du haut avec un gros saut spectaculaire. Là, c’est sûr que c’est devenu un obstacle à part entière qui fait la différence, avec les ornières dessus. Heureusement, on a pu refaire l’appel régulièrement le dimanche, entre chaque course. Mais c’est vrai qu’à la fin de la première manche MX2, c’était un vrai chantier l’appel ! Et comme c’était mou « au coeur », plus les plus pilotes arrivaient vite, plus ils montaient haut mais pas loin !
Le fameux vrai rateau de Forato à Villars-sous-Ecot sur le Triple. Ruts, man !
Comment réagis-tu aux critiques des pilotes ?
Disons que Jago Geerts peut être déçu, OK, mais quand tu es devant en course de qualification, au premier tour, tu as le temps, non ? En effet, la descente était morte, j’aurais aimé lui mettre un coup de bull avant les courses de qualifications, sauf qu’il n’y a pas le temps dans le planning. C’est InFront qui prend la responsabilité. Moi, je ne fais qu’obéir aux ordres. Herlings, je veux bien croire qu’il n’aime pas le circuit, mais quand il commence à mettre deux secondes à tout le monde en pleine manche, c’est que ça n’allait pas si mal. S’il avait gagné la deuxième, on l’aurait peut-être moins entendu. Les pilotes étaient aussi confrontés à ce type de terre pour la première fois de la saison, ça peut aussi expliquer certaines critiques.
Il y a eu aussi des retours positifs, non ?
Après, je n’ai pas le temps de regarder les courses, mais elles ont été belles d’après ce que j’ai entendu, donc ce n’est déjà pas si mal. Et oui, j’ai aussi reçu des messages cools de la part de gens du public, des managers… Il y a eu des retours positifs. Sûr que ce qui a perturbé le plus les pilotes, c’est qu’ils ne savaient pas à quoi s’en tenir quand ils arrivaient sur les obstacles : est-ce que ça va être mou ou dur, ça va gripper ou s’enfoncer ? Encore une fois, le dimanche ça allait mieux. On a défoncé quand c’était trop bétonné, on a réussi à avoir un truc plutôt pas mal, mais cette terre n’est pas magique…
C’est ce que tu en retiens ?
Ce que j’en retiens pour les années futures, c’est que pour rouler dans de bonnes conditions le dimanche à Villars-sous-Ecot, il faut rouler dans la boue le samedi. Là, c’est vrai qu’on était un peu dans l’extrême. Après, on prend les critiques constructives qu’on écoute, et celles qui ne le sont pas, on les met de côté et voilà !
Par Rich’.