Sans doute avez-vous déjà lu son nom quelque part, sans nécessairement savoir de qui il était question. Gérard Valat est un agent de pilotes avec qui il faut compter dans le sport moto français actuel. Mais à quoi sert un agent, quel est donc le rôle exact d’un tel intermédiaire ? C’est un maillon d’importance, qui œuvre en coulisse dans l’intérêt des pilotes qu’il représente. Mais laissons GV vous expliquer ça lui-même…
Il a d’abord été pilote, comme la plupart de tous ceux, ou presque, qui gravitent dans cette sphère si particulière de la compétition moto : les années 1976 et 77 l’ont vu participer au championnat de France Junior, non sans un certain brio, d’ailleurs : il en est qui conservent un souvenir ému de l’élégance radicale du style de « Flyin’ V »… Puis, au moment où il lui a fallu gagner sa vie, il est entré chez Royal Moto, en 1979. Là, au sein de la société dirigée par le tandem Cosson-Queirel, il a œuvré au lancement à l’international des casques Techno et des maillots Roxy, qu’il a fait adopter par des vedettes aussi populaires que Carlqvist, Lackey, Vimond, Noyce ou Laporte, entre autres. Après avoir en quelque sorte fait ses classes, quatre ans durant, dans cette illustre maison basée à Troyes, il a succombé à l’appel des USA et le voilà, en janvier 84, parti s’installer en Californie et rejoindre un certain Jim Jannard, le créateur d’Oakley. A l’époque, la future success-story n’était encore qu’une toute petite boîte née avec la mode du BMX qui, justement, traversait une période de vaches maigres. Mais le Frenchie y a cru et, avec son boss, il se sont retroussé les manches et le vent a tourné : bientôt la marque allait connaître un essor fabuleux. A tel point qu’en 1986 Gérard retraversait l’Atlantique pour fonder Oakley-Europe, structure qui allait d’abord opérer depuis la Suisse, pendant quatre ans, avant de venir s’installer en région parisienne. Jusqu’en 2000, GV a présidé aux destinées de la marque américaine sur le vieux continent, avec la réussite que l’on sait. Ayant quitté Oakley au tournant du siècle, désireux de changer de vie il est parti vers la Provence et s’est lancé à son compte. Il a créé une agence de design, Random, qui se spécialisera dans le footwear et déposera des brevets qui intéresseront notamment des marques comme Puma (qui découvrait la moto), Dainese ou Scott. Et puis, un peu par hasard (c’est toujours comme ça), Gérard, qui au-delà de sa dévorante passion pour la compétition a toujours fréquenté nombre de pilotes à titre professionnel, s’est trouvé amené à collaborer plus « intimement » avec certains champions. Histoire de défendre leurs intérêts. Voici comment il est devenu leur agent. Mais laissons-le nous raconter plus en détails…
Gérard Valat et Danny Laporte à Circa en 1980
« Ayant déménagé dans le Midi, je suis tombé sur Fred Bolley, que je connaissais bien vu qu’il était pilote Oakley depuis toujours. Fred m’a confié qu’il avait les pires difficultés à récupérer certaines sommes d’argent qui ne lui avaient pas été réglées, au lendemain de ses deux saisons victorieuses, 1999 et 2000. Je me suis donc attaché à l’aider de mon mieux, à faire en sorte qu’on lui paie ce qui lui était dû et ce fut là mon premier job en direct pour le compte d’un pilote. Dans la foulée j’ai donné un coup de main à Mickaël Pichon, puis à d’autres. Dans les années 2003 à 2006, étant amené par ma tâche d’agent naissante à être présent sur les Grands Prix, je suis devenu, un temps, représentant de l’association qui venait de se créer pour assurer le défense des intérêts des teams et des pilotes, en cette période assez agitée qui a vu le promoteur désigné par la FIM, Youthstream en l’occurrence, modifier complètement la donne quant au fonctionnement des GP, au plan financier en particulier, puisque c’était l’époque où les primes ont disparu…
Tout a donc démarré un peu par hasard, avec Bolley et Pichon. Non des moindres : carrément du lourd ! Combien de pilotes forment aujourd’hui « l’écurie Valat » ?
Je m’occupe d’une petite dizaine de pilotes, principalement des crossmen mais aussi des enduristes et même un pilote de vitesse. Voyons, dans l’ordre alphabétique, ce sont Christophe Charlier, Nicolas Dercourt, Romain Febvre, David Herbreteau, Benoît Paturel, Jordi Tixier, Arnaud Tonus, mais aussi Matthias Bellino et Pierre-Alexandre Renet et enfin Freddy Foray. C’est un chiffre maximum, à mon sens, si je veux faire les choses comme il faut. C’est à dire m’occuper au mieux, m’y consacrant à fond, le plus soigneusement possible, de chaque cas, afin de m’assurer les meilleures chances de réussite. L’idée directrice étant avant tout de parvenir à trouver, pour chacun de mes protégés, le meilleur guidon possible, donc les meilleures chances au plan sportif. La priorité est donnée à l’aspect sportif, toujours, aux performances. Et s’il y a lieu, le reste suit…
Homme de l’ombre, Gérard Valat gère la carrière de Romain Febvre depuis 2012
Evidemment, en cette fin 2015, même si ce n’est pas « ton » premier champion du monde (on à évoqué Bolley et Pichon, mais on pense aussi à Tixier, Renet ou Bellino !), ton « fer de lance » se nomme Romain Febvre, sacré en MXGP au terme d’une saison de folie. Si, à travers son exemple, tu nous expliquais un peu comment tu interviens ?
J’ai connu Romain fin 2011. A l’époque, il venait juste d’être couronné champion d’Europe. On se rencontre, on parle, il cherchait un guidon pour se lancer en Mondial MX2. Et ne trouvait pas. C’était il n’y a pas si longtemps et pourtant j’ai l’impression que les choses ont pas mal évolué depuis, car à ce moment-là un champion d’Europe 250 fraîchement titré n’intéressait pas tellement les décideurs des grosses équipes. J’ai trouvé ça vraiment dommage et j’ai décidé de l’aider. Finalement, il a trouvé refuge chez l’Allemand Bodo Schmidt (le team qui avait déjà soutenu Renet l’année de sa couronne MX3) tout en pouvant compter une fois de plus sur le soutien indéfectible des frères Wagner, Jean-Christophe et Stéphane, qui lui ont permis d’obtenir moteurs et suspensions usine. C’était l’assurance de pouvoir faire ses débuts en Mondial sur du bon matériel. Du coup, je me suis plutôt appliqué à le représenter au cours de la saison 2012, en pensant à la suivante : insistant sur ses résultats en constante progression et son gros potentiel, je me suis démené pour lui trouver un bon point de chute pour 2013. C’est à dire lui obtenir une bonne moto, au top, dans un bon team. La priorité, qu’il puisse continuer à progresser vers les sommets, c’était d’avoir du bon matos et non pas encore nécessairement, à ce moment précis de sa carrière, l’aspect économique. Il s’agissait davantage de franchir un palier dans sa progression, grâce à de bonnes conditions et surtout un cadre de travail qui allaient lui permettre de s’aguerrir, de devenir un vrai pilote de GP capable de signer des résultats de premier plan. C’est ainsi qu’au mois d’août, à Lommel, nous avons signé un contrat de deux ans avec le team de Jacky Martens. Ce choix, c’était exactement ce qu’il fallait à Romain à l’époque : de l’excellent matériel, niveau « usine », mais aussi, dans cette équipe de dimension « familiale » bardée d’une expérience insensée, l’encadrement rêvé. En effet, sans tarder Romain partait habiter à Lommel, dans un appartement faisant partie du deal. Il allait donc bouffer du sable à satiété, au quotidien, sous les ordres de Werner Dewit, le directeur sportif de l’équipe. Ainsi, non seulement il allait se forger une condition physique en béton (ce dont il avait besoin), mais aussi un bagage technique ès-silice digne des meilleurs spécialistes locaux (là aussi, un impératif). Bref, tout bénéfice ! Et à ce propos, à partir du moment où il rejoignait son nouveau team, Romain, qui n’a pas la chance d’avoir un papa fortuné, devenait autonome financièrement parlant. Ce qui était aussi l’un des buts recherchés, un autre aspect des choses qui me tenait vraiment à cœur. OK, il ne gagnait pas des millions, mais il acquérait son indépendance, par rapport à J.-C. Wagner notamment et ce n’était pas anodin. Chez Martens, le sort réservé aux pilotes maison convient tout à fait à des jeunes gens de talent tels que ceux qui sont habituellement recrutés. Ils y jouissent de contrats dits « complets » : salariés et logés, ils doivent en revanche se plier à la politique de l’équipe en matière de sponsors, en ce qui concerne leur habillement en premier lieu. A cet égard, ils n’ont aucune liberté de mouvement : on ne peut tout avoir !
La suite de l’interview est à lire dans le numéro 9 de Motocross Emag
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