Tom Vialle a été sacré champion du monde MX2 hier, ça ne vous a sûrement pas échappé. Le jeune pilote KTM conclut ainsi de la meilleure manière sa dernière saison en MX2, avant un exil aux USA décidé il y a peu.
Passé de bon pilote en championnat d’Europe EMX2 en 2018 à autoritaire champion du monde MX2 en 2020, Tom Vialle a connu une ascension plus qu’éclair. Comme un footballeur qui passerait d’un honnête club de Ligue 2 au Bayern de Munich, et y marquerait but sur but jusqu’en finale de Ligue des Champions. Tout ça sans bruits et sans drames, avec l’étrange impression que cette habitude de gagner tous les week-ends n’est rien de plus que normale, tant Tom comme son entourage paraissent gérer la situation façon force tranquille.
Il faut dire que Tom est loin d’être un inconnu pour autant. Depuis tout minot, comme on dit dans son pays plein de cigales, le petit fait du résultat. Il a de qui tenir, puisque son père Frédéric a été un pilier du MX/SX français et mondial avec trois victoires en GP, un podium final en 125 en 1996 et quatre participations pour la France au Motocross des Nations. Autant dire que le père en connaît un rayon et, visiblement, fait tout de suite du bon travail puisque Tom est champion de France Minivert dès ses onze ans. Pourtant, il ne pousse pas Tom dans ses derniers retranchements, tant sur le plan de l’entraînement que sur le plan psychologique. Le jeune a bien le temps de maturer, et c’est exactement ce qu’il va se passer. En 2015, Tom effectue une dernière année en 85 cm3 qui le voit terminer troisième du championnat qu’il aurait très bien remporter sans un double DNF à l’ouverture, avant de faire le choix de passer dès 2016 en 250F, en zappant littéralement l’étape 125 Junior. Ainsi, il se retrouve chez les cadors de l’Elite à 16 ans. Et tout de suite, le petit Tom impressionne par sa capacité à partir devant, même en Elite. OK, c’est parfois plus brouillon ensuite, tout ça manque un peu de physique aussi, mais la progression est tout de même assez fulgurante. À la finale d’Iffendic, après une première manche cinquième, il holeshote la seconde, reste trois tours en tête, un quart d’heure dans le top 3 avant de s’écrouler physiquement. Les bases sont posées. « Il ira un jour en GP » prédit alors son père. Dès 2017, il remporte à Pernes les Fontaines, presque à domicile, son premier Elite, avant de découvrir l’année suivante le championnat EMX2.
Débuts prometteurs pour Tom Vialle
Avec un podium d’entrée en Espagne, derrière Pierre Goupillon, puis un autre en Bulgarie, sans oublier une victoire de manche en Russie. Finalement huitième d’un championnat gagné par Mathys Boisramé, Tom voit pourtant s’ouvrir devant lui une porte qui va s’avérer décisive : celle du team officiel KTM. Celui-là même qui a obtenu douze titres mondiaux avec huit pilotes différents depuis le passage à la catégorie MX2 en 2004. Ça ne peut pas être par hasard… « À Assen, Robert Jonass (boss de la compétition chez KTM) me dit qu’il aimerait me faire passer un test pour l’année suivante avec trois ou quatre autres pilotes. Pour ça, il fallait que j’aille en Belgique rouler devant Joël Smets. Deux semaines après, on y était avec mon père. J’ai roulé une journée sur le dur, et une autre à Lommel. Joël a été très cool, il n’y avait pas de stress. Des fois je le voyais au bord de la piste, d’autres fois non. Le troisième jour, on a fait des tests physiques et on a eu une discussion. Robert m’avait dit que même si je n’étais pas pris, KTM garderait un œil sur moi. Mais il n’y avait pas beaucoup de places disponibles. On était un peu inquiet. » déclare Tom en interview à Adam Wheeler.
Et finalement, la nouvelle tombe : à Tom la Katé d’usine pour 2019, aux côtés de Jorge Prado, l’ogre de la catégorie qui rafle absolument tout, et des nouveaux coéquipiers qui s’appellent Herlings et Cairoli ! Selon les rumeurs, le salaire est loin d’être mirobolant, mais la place en elle-même vaut de l’or, ce que les deux parties savent très bien…
La famille quitte donc le sud et les cigales pour la Belgique, son ciel bas et ses nuages pendus aux maisons en briques rouges. En même temps, Tom Vialle n’est pas en vacances, il a maintenant un vrai travail, qu’il prend avec le plus grand sérieux. « Avant, je n’avais jamais eu d’entraîneur. Mon père me disait que quand je serai en GP, c’est là que je devrais m’entraîner sérieusement. Je faisais un peu de vélo, le minimum… ». L’apport de Joël Smets et son immense expérience ont évidemment été décisifs. « Il aurait fait des progrès avec n’importe quel entraîneur ! Il manquait juste de structures. On lui a défini un programme d’athlète professionnel pour son entraînement sa vie de tous les jours. Au début, on y a été doucement en matière de volume et d’intensité. Il a rapidement acquis une routine et s’est habitué. » analyse le grand Joël. « Je n’avais jamais fait autant à l’entraînement. Je le traite comme un travail, même si ce n’en est pas vraiment un d’avoir à aller courir ! »
Les résultats, une nouvelle fois, ne se font pas attendre longtemps. Dès le second GP, il s’offre un podium en Angleterre, avant de récidiver à Trentino pour le quatrième round. Ses bons départs systématiques l’entraînent en effet rapidement à évoluer dans le rythme des meilleurs, plutôt que d’être coincé dans le paquet à esquiver les t-bones des jeunes loups du MX2. Et la confiance qui permet d’atteindre les sommets ne tarde pas à arriver. À partir du milieu de la saison, il squatte les podiums de façon plus que régulière, et il finit même par remporter son premier GP en Suède, grâce à deux secondes places, son chef de file Prado s’étant loupé en seconde manche. Quatrième final de sa première saison en MX2, le rookie a plus que fait le boulot. Mieux, au fur et à mesure de l’année, il est devenu un pilier de la catégorie, évitant avec malice la plupart des erreurs de débutants. Ce qui n’empêche qu’au début de la saison 2020, les observateurs se posent tous la même question : Tom peut-il endosser le costume de leader du team, maintenant que Prado est en MXGP ? La question, elle est vite répondue, comme on dit sur instagram…
Tom s’impose dès la première course de pré-saison à Lacapelle-Marival, et domine le premier GP en Angleterre, même si une chute en première manche le prive d’un doublé qui lui tendait les bras. Même dans les sables de Valkenswaard, il gagne. Plus impressionnant encore, Tom semble insensible à la pression. Celle qui pèse à cause de l’entourage, des sponsors et de tout ce qui fait la vie d’un pilote titrable en mondial, mais aussi celle sur la piste, quand il est suivi comme son ombre par un autre pilote. Tom ne panique pas, ne se retourne pas, ne chute pas, il fait sa course. À l’image, d’ailleurs, de son coéquipier Prado. En gros, il a géré cette seconde saison de GP comme s’il en avait déjà dix au compteur. « Ça me fait presque peur de voir à quel point il est confiant et relax. Ma prochaine tâche est de veiller à ce qu’il reste concentré. » selon Smets. « Quand j’ai signé chez KTM, je savais que je devrais beaucoup travailler, et après quelques courses, je me suis dit que finalement je n’étais pas si loin. Mon but cette année était de me rapprocher le plus possible des tops, mais mener le championnat si tôt n’a jamais été sur mon agenda ! » Et pourtant, il rejoint dès cette saison au palmarès dans cette catégorie 125 (avant)/MX2 (maintenant) Jean-Michel Bayle en 1988, Sébastien Tortelli en 1996, Mickaël Maschio en 2002, Christophe Pourcel en 2006, Marvin Musquin en 2009 et 2010 et Jordi Tixier en 2014. Une fois encore, on le retrouve ainsi bien entouré.
Mais la success story ne s’arrête pas là, puisqu’après une saison 2021 marquée par une blessure dès le début de saison suite à une collision avec Roan Van de Moosdijk à l’entraînement, Tom Vialle a tout de même réussi à remporter six GP. Jusqu’à ce qu’une nouvelle chute ne cause une fracture du pied à Arco di Trento, mettant ainsi un terme à sa saison. De retour en MX2 pour 2022, il doit composer avec beaucoup d’éléments. D’abord, une toute nouvelle moto à mettre au point, et la suite montrera que ça n’a pas été chose facile, des deux côté de l’Atlantique. Ensuite, la perte tragique de son coéquipier et ami Rene Hofer dans un accident de montagne début décembre. Puis une reprise plus tard que prévue pour se remettre des blessures précédentes.
Tout cela fait que Tom est arrivé moins fringuant en début de saison que les années précédentes, et on a même cru le perdre dès la deuxième course avec la chute la plus spectaculaire de la saison à Mantova. Et petit à petit, la machine à gagner s’est remise en route. Si Jago Geerts, extraordinaire compétiteur et pilote d’exception, a souvent été plus rapide, Tom a prouvé à maintes reprises qu’il possède les nerfs les plus solides du MX business. Jusqu’à cette dernière manche de la saison, abordé avec un point d’avance, et cette petite chute qui se transforme d’un coup en bénédiction. La chance ? Peut-être un peu, il en faut. “Tu crées ta propre chance”, disait le philosophe floridien Ricky Carmichael, d’ailleurs lui aussi pilote à ses heures perdues.
Et voici comment en quatre années de GP MX2, Tom Vialle cumule 24 victoires, à 21 ans, et deux titres. Gros respect pour Tom, donc, à qui on laisse le mot de la fin, issu du communiqué KTM :
“Je suis tellement heureux. Terminer la saison comme ça, c’est vraiment top. Je me sentais bien aujourd’hui même si la piste était un peu dangereuse. Quand je me suis couché dans la deuxième manche, j’ai pensé ‘oh, c’est fini’, mais ensuite j’ai vu que Jago était tombé aussi, alors je me suis relevé aussi vite que possible. On roulait tellement vite. J’ai gagné du temps. C’était vraiment fou, j’ai eu de la chance mais ça fait partie du jeu. C’est ma dernière course en MX2 donc c’était spécial. Je voulais profiter des dernières courses et de l’équipe, qui m’a donné une maison si forte pendant quatre saisons. Avoir le titre pour la deuxième fois est incroyable. Le premier était fou, mais aussi celui-là parce que c’était très serré. Je devais venir ici et faire 1-1 mais ce n’était pas si facile.”
Tom Vialle
Né le 28 octobre 2000
Champion de France Minivert Minimes en 2011
Troisième du championnat de France Cadet 2015
Sixième du championnat de France Elite 2018
Quatrième du championnat du monde MX2 2019
Champion du monde MX2 2020
Troisième du championnat du monde 2021
Champion du monde MX 2022