David Luongo, le boss d’Infront Motor Racing, a la difficile mission de mener à terme un championnat MXGP confronté à des frontières mouvantes. Voici ce qu’il a à dire en ces temps troublés.
Ta vie en ce moment doit être une longue succession de coups de téléphones, emails et réunions…
C’est ça ! Comme dans un cauchemar. On doit changer beaucoup de choses, parfois tous les jours, à cause des restrictions de chaque pays. À un moment, quand les cas de Covid-19 repartaient à la hausse, on n’a eu l’impression qu’il n’y avait plus d’espoir de repartir. Et quand ils sont un peu redescendus, des pays “rouges” sont passés au “vert”. C’était très compliqué. La planification de la logistique, aussi, et où envoyer les camions. Dans quel pays ? Un moment, le temps passait très vite : ça faisait presque cinq mois sans courses, et on sait bien que la pratique du MX en décembre en Europe est impossible. C’était important de faire quelque chose avec la fin octobre. Heureusement, la situation s’est améliorée. Je ne peux que remercier les organisateurs, car même ceux qui ont été contraints d’annuler ou de repousser à l’année prochaine ont vraiment fait de leur mieux pour que les courses se fassent. Chaque minute de travail a été passée à faire vivre ce championnat. Les constructeurs font et vendent des motos, les pilotes roulent et nous, on doit mettre en place des courses. On a dû trouver des solutions pour y arriver.
Au-delà du facteur humain et du sport, il doit aussi y avoir un tas d’obligations contractuelles, non ?
Oui, oui, bien sûr. Si le championnat est fini, c’est “game over”. Imaginez si on arrête la saison en mars comme on a fait, et qu’on est obligé de ne repartir qu’en février, qu’est-ce qui se passe ? On perd vingt ans de travail en une minute. C’est notre mission de faire de notre mieux pour rendre la saison possible, et ensuite si les lois des pays nous en empêchent, on arrêtera. Mais autrement, nous trouverons des solutions pour rendre les courses possibles, et même avec les restrictions et pas de public à la plupart des épreuves. En Lettonie, nous avons beaucoup travaillé avec le gouvernement pour proposer un protocole sanitaire et faire respecter la distanciation sociale pour protéger le paddock de la population locale et vice-versa. Ça a été très dur d’y arriver, mais ça nous a permis d’avoir du public, même si c’était une petite jauge. Au moins on avait quelques fans présents. En avril, mai, juin, il n’était pas possible d’avoir du tout de public sur les compétitions sportives dans beaucoup d’autres pays. Or, on sait que le MX ne peut pas survivre sans public.
“Chaque minute de travail a été passée à faire vivre ce championnat.”
Justement, comment fait-on des courses sans public ? Ce doit être difficile financièrement ?
On doit réfléchir avec prudence en matière de coûts, oui, et le budget est réduit. Les revenues des organisateurs viennent principalement de la billetterie, donc sans elle ils sont évidemment très réduits. Ils restent les droits TV et le marketing. Les droits TV sont loin d’être aussi gros que le MotoGP, la F1 ou le foot et ne suffisent donc pas à couvrir les frais. On est en négatif en ce moment. Niveau marketing ça va tant qu’on continue d’avoir des courses. Il est très important de montrer que la saison continue ! Le problème est le même pour les pilotes et les teams : si la saison s’arrête, les contrats aussi. Même si c’est une année difficile nous devons faire de notre mieux pour tout les parties impliquées pour continuer sur la dynamique sur laquelle on est.
C’est possible de prévoir des choses en ce moment ?
Ça dépend de la popularité du sport dans le pays. En Lettonie par exemple, le MX fait partie des trois sports les plus populaires avec le foot et le hockey sur glace. Il est donc reconnu et fait partie des priorités du gouvernement. En Italie, on sait que les sports mécaniques occupent une grande place également. On a une très bonne relation avec la fédération italienne. La Lettonie est le meilleur exemple pour montrer ce qui marche, ce qu’on est capable de proposer pour qu’une course devienne réalité. Les trois courses là-bas nous permettent de montrer à d’autres pays ce qu’on est capable de faire, que ça peut être réalisé. Je suis toujours confiant qu’on peut faire des courses en septembre, octobre et novembre.
Qu’en est-il de 2021, existe-il de nouveaux projets ?
Ça va dépendre des prochains mois mais je dirais déjà que tous les événements qui ont été annulés ou repoussés seront présents l’an prochain. Ils l’ont déjà confirmé. De fait, on devrait avoir idéalement une saison avec vingt GP. Évidemment, tout dépend de situation du virus. Je t’avoue qu’en ce moment, on se concentre déjà sur finir la saison 2020 du mieux possible, avec le plus de courses possibles et la plus grande sécurité pour tous ceux qui travaillent dans l’univers MXGP. Ça représentait 1300 personnes en Lettonie, par exemple. Pour ce qui est du futur on a beaucoup de demandes en Asie dont certaines intéressantes, le Moyen-Orient également. Et des bases solides en Europe : l’Allemagne a signé jusqu’en 2027, la Finlande a encore un an de contrat. Les Nations sont confirmés en France en 2023, l’année prochaine en Italie, mais on parle aussi de retourner aux États-Unis en 2022 ou 2024. La roue continue de tourner, mais, comme tout le monde, on attend de voir ce qu’il va se passer avec la pandémie.
Par AW/OTOR/adaptation Richard Angot