Depuis 1982, les meilleurs amateurs américains se réunissent dans le Tenessee, au milieu du camping du ranch d’une des plus grandes stars de la Country music, Loretta Lynn, décédée en 2022 à 90 ans.
La course est devenue depuis une institution qui fait et défait des carrières et accueille tous les ans plus de 1000 pilotes, pour une semaine où toute l’industrie du MX US se retrouve. Sans même avoir de réseau téléphonique ! Une course que vit de l’intérieure depuis plusieurs années un Français installé aux USA : Greg Pamart, qui a accepté de nous raconter le course la plus courue du calendrier amateur.
L’Amérique toute entière pleure Loretta Lynn, la “Coal Miner’s Daughter”, qu’on pourrait traduire par “la fille du mineur de charbon”, décédée à 90 ans après une vie bien remplie. D’une naissance dans une famille plus que modeste à une success-story typiquement américaine. C’est elle qui a donné son nom à la plus célèbre des courses amateurs US, la fameuse Loretta Lynn’s, un “Amateur National Motocross” qui donne officiellement un titre de champion des Etats-Unis en cas de victoire. Le palmarès de la course, née en 1982 à l’initiative de Big Dave Coombs, le père de Davey, actuel promoteur du MX US via MX Sports et toujours à la tête de la course aujourd’hui, est tout simplement un who’s who du sport. De Ron Lechien ou Eddie Warren, vainqueurs dès la première édition, à Hayden Deegan, en passant par Jeremy McGrath, Mike Alessi, Ricky Carmichael ou encore James Stewart, sans oublier Ken Roczen, Max Anstie ou même Chris Pourcel, c’est simple : tous les futurs champions US ont été obligés de passer par Hurricane Mills et le Ranch de Madame Lynn.
Depuis 1982
L’idée de la course est née en 1981 lors d’un retour de course depuis Ponca City, autre épreuve mythique de la scène amateur US. Big Dave, lui-même promoteur de course à succès, cherche à créer une course amateur sur terrain neutre, dans une localisation à peu près centrale pour tout le monde, dans cet immense pays que sont les Etats-Unis. Le génie de la vision du promoteur est de trouver un endroit qui soit, en plus d’un terrain de MX, une attraction à lui tout seul pour distraire les familles venues accompagner les pilotes. Le Ranch de Loretta Lynn remplissant ces conditions, l’accord est rapidement trouvé entre toutes les parties.
Quarante-et-un an plus tard, le succès ne s’est jamais démenti. Le “Loretta Lynn’s AMA Amateur National Motocross Championship”, son nom officiel, reste la plus importante épreuve amateur du pays. Trente-six catégories sont au programme, pendant une semaine de course. Mais tout au long du long processus de qualification, ce sont 27 000 engagés sur 64 courses à travers tout le pays qui se sont affrontés pour avoir le droit de dire : « J’ai roulé à Loretta Lynn’s ». Pas une mince affaire quand on n’en garde que 42 par catégorie, plus 5 réservistes. Parmi les heureux élus figurent depuis une petite dizaine d’années un Français : Greg Pamart. Installé depuis des années aux USA après une enfance dans les montagnes de Savoie, puis sur les plages de Saint-Martin au gré des pérégrinations familiales, Greg allait souvent rouler aux States quand il était dans les Antilles et a fini par s’y installer pour de bon en 2004. « Je suis à une heure de Philadelphie, sur la côte Est. A l’époque, je suis allé en Californie, mais ça ne m’a pas plu du tout. La mentalité est différente. Les terrains, c’est que du dur… Où je suis, je ne me suis pas implanté là par hasard, c’est un coin central. Ce qui fait que de chez moi, je pouvais disputer la moitié du championnat US sans faire trop de route. Je ne suis qu’à trois heures de Budds Creek ou Unadilla, par exemple, cinq heures de Southwick. Quand je suis arrivé, j’ai trouvé un club à côté d’ici, Pagoda MX, où tu payais 20 dollars l’année et tu pouvais rouler tous les jours ! » Désormais à la tête d’une école de pilotage, GPMX Motocross School, Frenchie, comme on l’appelle là-bas, est un week-end warrior et un top vétéran. « Je fais beaucoup de courses tous les ans. J’ai restauré une semi pour y aller, comme j’ai aussi des pilotes avec moi dans ce que j’appellerais un race support plutôt qu’un team. Ça leur permet d’avoir des réductions sur le coaching, l’accès au terrain, des choses comme ça. » À 49 ans, il est rapidement devenu accro à la classique du Tennessee. « J’y suis allé la première fois en 2008 et ça m’a beaucoup plu. Ça change des courses d’ici, où tu ne roules que quatre tours, donc environ 8 minutes, parce qu’il y a 50 catégories à passer dans la journée. C’est sympa, mais c’est du sprint et il faut s’inscrire dans trois au quatre catégories pour pouvoir rouler un peu. En plus, en local, je roule en général avec 10 ou 12 vétérans sur la grille. Là, on est 42 et ce sont les meilleurs du pays ! Je m’étais vraiment fait plaisir, avec trois manches de 20 minutes. Là, tu as l’endurance qui rentre en ligne de compte. Il y a une bonne énergie. En plus, c’est quand même sympa de pouvoir rouler avec les anciens pros, que ce soit au fil des années Jeff Emig, Ryan Hugues, Mike Brown… Ces mecs, ils me faisaient rêver quand j’étais plus jeune, ce sont des légendes, donc c’est top de pouvoir rouler avec, rigoler en pré-parc. »
Area et Regional
Encore faut-il pour cela parvenir à passer un barrage important, celui des qualifications. Pas simple. Pour comprendre comment fonctionne le système, il faut savoir que les Etats-Unis sont divisés en huit régions géographiques différentes : le nord-est, le sud-est, le centre-est, le centre-nord, le centre-sud, le nord-ouest, le centre-ouest et le sud-ouest. « D’abord, il y a un Area Qualifier. En gros, dans chacune des régions qui sont quand même grandes, en général trois États, il y a entre cinq et huit courses. Ça, c’est facile, il suffit en général de finir, selon les régions, entre 15e et 9e. Mais tu peux aussi t’inscrire en Alternate, donc en gros, ils prennent un peu tout le monde pour toucher les sous des engagements, globalement. Ensuite, tu vas au Regional Qualifier de ta région. Déjà, tu n’as plus que ceux qui se sont déjà qualifiés et dans ma catégorie et ma région, il faut faire dans les 6 premiers sur trois manches de 15 minutes. Là, ce n’est pas évident. Tu as intérêt à bien partir et à ne pas tomber. Mais tu peux aussi faire plusieurs Regionals pour augmenter tes chances. C’est comme ça que ça commence à coûter cher ! Se qualifier pour cette course, c’est le rêve de tous les gamins locaux. Les parents disent que c’est une course chère, mais forcément… Ils achètent quatre motos, le camping-car géant et partent trois semaines avant pour se garer ! Selon les régions, c’est plus ou moins facile de se qualifier. Dans ma région, par exemple, j’ai cinq pilotes du top-10, dont MiKe Brown ! Mon Regional cette année était à Pleasure Valley, le circuit de Jeff Cernic (NDR : mythique personnage de l’industrie qui a notamment aidé le jeune Travis Pastrana à éclore). Tous les ans, c’est à un endroit différent. On a déjà été à High Point, Unadilla, une autre très belle piste qui s’appelle Tomahawk, en Virginie occidentale. Ce sont déjà de très grosses épreuves, avec essais le vendredi et qualifications et courses le samedi et dimanche. Il y avait tellement d’engagés qu’ils ont été obligés de séparer les courses pour enfants, pour adultes et pour les A (Pro-Am, les plus rapides). droit de te qualifier pour deux catégories maximum. »
People
On comprend donc que “faire Loretta’s” ne s’improvise pas et demande quand même un certain investissement, tant en matière d’argent que de temps et/ou d’entrainement. C’est pourquoi faire partie des qualifiés représente déjà un aboutissement pour un grand nombre des inscrits, à côté des futures stars de la discipline qui viennent en quelque sorte y jouer leur destin. « La course dure une semaine. Les inscriptions se font le dimanche, mais certains sont là depuis longtemps. Je crois que ça doit être une centaine de dollars par catégorie, ensuite, il faut payer le camping, environ 400 dollars du dimanche au dimanche. Tu payes par véhicule, pas par personne. Après, tu te mets où tu peux, premier arrivé, premier servi. Moi, cette année, je n’ai pas pu mettre le camion où je me glisse d’habitude, du coup j’étais bien à un bon kilomètre du circuit. C’est tellement grand, c’est comme une petite ville en fait. Ensuite, tout le lundi, ce sont les essais, de 7h30 à 18h, une seule séance d’essai par catégorie, puis ce sont les manches qui démarrent. A partir de là, c’est super bien organisé. Tu dois arriver une demi-heure avant ta manche pour le pré-parc et ça s’enchaîne. C’est une organisation de fou. Entre les manches, les commissaires courent pour ramasser les tear-off par terre, pour que ce soit clean. Une année où il a beaucoup plu, ils pompaient l’eau du terrain pour la mettre dans la rivière. Le terrain était littéralement sous l’eau. Ça leur a pris une demi-journée et c’était reparti ! »
A côte de cet aspect purement course, c’est également un énorme rassemblement festif, avec tous les people que compte l’industrie MX venus passer du bon temps en plein mois d’Août. « Il y a toujours un tas d’activités, tous les soirs en fait. C’est comme une petite ville, un salon. Cette année, il y avait une star montante de la country qui a fait un gros concert gratuit, sur la ligne de départ. Chaque marque fait son dîner pour remercier ses pilotes qualifiés, remercier les concessionnaires… »