Directeur sportif du groupe KTM, Pit Beirer s’est récemment expliqué à propos de la stratégie, au premier abord assez surprenante, adoptée par le service-course de la marque orange quant au matériel utilisé par Antonio Cairoli en catégorie MXGP. En effet lors des derniers Grands Prix l’ex-champion du monde a alterné 450 et 350 SX-F, arrachant un podium en Belgique avec la trois-et-demie avant de remporter une course et le classement général de l’épreuve une semaine plus tard en Suisse aux commandes de la cylindrée supérieure…
De son côté le Sicilien a évoqué les pièces millésimées 2018 qu’il a pu tester sur les deux machines version 2017, évolutions qui ont d’après lui sensiblement amélioré leur compétitivité. Tout en laissant entendre que, sa chute de début de saison se faisant toujours sentir et sa condition restant imparfaite, la 450 cc lui semblait plus difficile à exploiter complètement. Mais confiant en contrepartie que la 350 avait aussi ses exigences, notamment au plan de la vitesse de passage en courbe et que la mener dans ses derniers retranchements n’avait rien d’évident non plus… La quadrature du cercle !
Mais qui donc, derrière cette valse des montures, de la 350 à la 450 SX-F et inversement, dictait la manœuvre ? Il semblait intéressant de découvrir si le pilote jouissait d’une entière liberté, ou bien s’il obéissait à des directives précises de la part de son team ? Voire des responsables de l’usine ?
« Je dois avouer que je ne suis pas pour rien dans tout cela », a répondu Pit Beirer. « Je savais que nous disposions d’une nouvelle 350 assez fantastique et je trouvais que, cette année, le pilotage de Tony n’était plus tout à fait au niveau de ce qu’il avait montré, des saisons durant, au guidon de la trois-et-demie. Dans le but de préparer au mieux 2017, j’avais envie de le voir sur cette machine en conditions de course. Vu que nous n’étions plus en mesure de nous battre pour le titre et qu’il n’y a jamais de meilleur test que la compétition, je lui ai demandé d’essayer la 350 en course, histoire de mieux nous rendre compte où elle se situait vraiment, de mesurer ses performances réelles et de toucher du doigt les modifications à y apporter, éventuellement, pour la rendre tout à fait compétitive ».
Vu que nous n’étions plus en mesure de nous battre pour le titre et qu’il n’y a jamais de meilleur test que la compétition, je lui ai demandé d’essayer la 350 en course – Pit Beirer
« Une décision qui ne semblait pas complètement dénuée de sens, qui de toutes façons n’allait pas spécialement modifier le parcours de Tony cette année mais qui en tous cas lui a permis de se faire une idée très précise de la situation, à lui comme à l’ensemble du service-course d’ailleurs, en cette fin de championnat », a ajouté Beirer, conscient que Cairoli, pointant à une centaine de points derrière Gajser, pouvait d’ores et déjà se permettre de rouler en pensant à la saison suivante.
KTM n’a pas vraiment brillé en MXGP cette saison : seul Cairoli a fréquenté le podium, ni Glenn Coldenhoff, ni Shaun Simpson, sur du matériel « full factory » bien que pilote « support » en tant que sociétaire du team satellite Wilvo Virus Performance, n’ayant été capables de jouer aux avant-postes. Si la marque a dominé en MX2 avec Jeffrey Herlings, si aux USA Ryan Dungey et Marvin Musquin se sont mis en évidence au guidon de la 450 SX-F, les responsables de la firme ont mal vécu le relatif manque de résultats en MXGP. « Je dois avouer que je me suis parfois senti frustré de constater que cette machine au développement de laquelle nous avons consacré tant d’efforts ces dernières années et qui nous a déjà apporté tant de succès, en Amérique notamment où Ryan Dungey a survolé la saison, allant chercher sa seconde couronne en supercross US au mois de mai, avait du mal à atteindre le podium en MXGP. Maintenant, même si ça me contrarie, je suis forcé de reconnaître que le niveau est aujourd’hui tellement élevé en catégorie reine qu’il n’y a pas lieu d’être surpris ».
Coldenhoff n’a sans doute pas obtenu les résultats qu’on pouvait attendre de lui, mettant plus de temps que prévu à se faire à sa nouvelle monture, mais Pit Beirer préfère voir le verre à moitié plein : « Avec six constructeurs impliqués en championnat du monde engageant au minimum deux pilotes officiels chacun, vous avez près d’une quinzaine de pilotes d’usine derrière la grille de départ, aussi devons-nous nous satisfaire d’une huitième place de Glenn, ce championnat étant à l’heure actuelle ce qui existe de plus relevé au monde. Il n’est absolument pas possible de faire un top-8 en MXGP en mode « cruising ». Glenn fait du bon travail. Sans doute pas tellement mieux que l’an dernier, mais en tous cas pas moins bien. Tony revient en forme après deux blessures plus sérieuses qu’on a pu le penser, il n’a pas été au mieux de sa forme cette année mais aujourd’hui nous sommes tout de même second et troisième, avec Max Nagl, du championnat. Tim Gajser est un pilote hors-normes, incroyable, super cool, hyper fort mentalement comme physiquement, il est rapide et dispose d’une excellente moto. Nous, nous bataillons au sommet, au firmament de ce sport. Si l’on compare la situation actuelle avec ce qui se passait il y a ne serait-ce que cinq ans, on voit beaucoup plus de machines et d’équipes dans le groupe de tête, en lice pour conquérir des podiums, des victoires et le titre… Mais je ne vais surtout pas me plaindre, c’est exactement ce que nous souhaitions, ce que KTM a toujours demandé ! Le truc, c’est que désormais si vous connaissez un jour sans, aussi sec vous n’avez aucune chance de monter sur le podium, vous ne figurez pas dans le top-5, ni même dans le top-ten… Et c’est tant mieux : c’est ainsi que ça doit marcher ! ».