La liste des pilotes qui n’ont pas eu la carrière qu’ils méritaient est longue comme un jour de confinement, c’est vrai. Mais au-dessus de la pile, tout en haut, se trouve Benjamin Townley. Et pourtant, il est quand même champion du monde. Malheureusement, même ce titre MX2 2004 ou son titre SX US Lites côte est 2007 ne font pas honneur à ce qu’aurait dû être la carrière de Ben Townley. Pour s’en convaincre, penchons-nous sur cette magnifique édition du MX des Nations à Ernée en 2005.
“Quand je suis descendu de l’avion en arrivant d’Europe, les gars du team m’ont pris pour un mécano”. BT
J’ai « découvert » Ben Townley « live » en 2001, à Lierop. En vrai, je me suis demandé ce que faisait ce petit grassouillet en GP sur sa très laide Suzuki, team allemand oblige, mais son style de pilotage tranchait déjà du reste des pilotes avec qui il bataillait à la lisière des points. Renseignements pris, on m’annonce qu’il arrive directement de Nouvelle-Zélande, n’a que 16 ans et a signé une dixième place plus tôt dans la saison. Dès l’année suivante, Ben monte régulièrement sur le podium. Et même s’il est un peu ralenti dans sa progression par les blessures, comme en 2003, il concrétise enfin en 2004 son immense potentiel en survolant le champion MX2. Et à 19 ans, le voilà propulsé par Kurt Nicoll, directeur sportif chez KTM à l’époque, directement en MX1 contre son colocataire et compatriote Josh Coppins, son mentor de l’époque Stefan Everts ou encore Mickaël Pichon. Le tout sur une 450 KTM encore très perfectible en ces temps lointains… BT s’en est d’ailleurs expliqué dans un podcast avec Steve Matthes, où il affirmait que le moteur usine était beaucoup trop puissant. Ce n’est qu’au bout de six courses que l’usine, poussée par Harry Nolte, l’autorise à utiliser un moteur stock, et les résultats ne tardent pas à tomber. Holeshots, victoires de manches, doublé en Italie et à Saint Jean d’Angély, Townley ne perd pas de temps pour montrer tout l’étendue de son talent avant de quitter l’Europe pour rejoindre l’équipe Pro Circuit aux USA comme c’est prévu pour 2006.
Un résumé assez complet…
Mais avant, il reste un dernier gros rendez-vous, ce qui est supposé à l’époque être sa dernière course en Europe : le Motocross des Nations à Ernée. Une édition exceptionnelle, puisque les USA sont de retour après avoir fait l’impasse sur l’année précédente en Hollande. Et avec une équipe plus que solide : le champion US Ivan Tedesco en MX2, Kevin Windham, dauphin en MX1, et évidemment le champion Ricky Carmichael, qui n’avait perdu que deux manches cette saison, dont une au profit de Windham. Une de ces années où RC était dans une autre galaxie que tous les autres ! La France est également superbement représentée avec Micka Pichon en MX1, David Vuillemin en Open et Seb Tortelli descendu en MX2 pour la Patrie. La Nouvelle-Zélande, avec Josh Coppins et BT, fait donc figure de candidat au top 5, mais ce Cody Cooper dont personne ne sait rien en MX2 laisse planer un gros doute…
La manche MX2/Open
Ceux qui étaient sur place en attesteront, ce week-end de course en Mayenne restera gravé dans les mémoires ! Dès le samedi, BT fait déjà sensation en remportant sa manche Open devant Kevin Windham. Mais c’est bien le lendemain qu’il va sceller sa légende en gagnant la manche MX2/Open. Enfin, la dernière manche de la journée arrive. Quand Ricky Carmichael part devant son compatriote K-Dub, Josh Coppins et Mickael Pichon, on ne voit pas bien alors ce qui pourrait l’empêcher de cruiser vers une victoire tranquille. Il ne faudra pourtant que deux tours à BT pour se retrouver dans le roue du GOAT, et de l’obliger à sortir de sa zone de confort. Au final, BT n’a pas gagné, certes, mais quelle manière de prévenir les américains de son arrivée, devant une audience mondiale. Les grands gagnants du jour, hormis les américains, étant bel et bien les 60 000 fans qui étaient sur place. Mais de ce jour-là, je me souviens essentiellement de la performance de ce jeune néo-zélandais dont j’ai toujours suivi de près la carrière. BT a continué à produire des performances hors du commun, comme cette saison 2007 incroyable en outdoor, ou encore ce 6/2 (en mettant la pression au champion du monde Romain Febvre!) sorti de nulle part en 2015, toujours à Ernée, toujours le MXdN, alors qu’il était retiré des terrains depuis deux ans ! Et on sait tous qu’avec des si… Mais s’il ne s’était pas blessé gravement à la hanche, qu’est-ce qu’il aurait pu faire en 2012 avec la Honda CR22 que Chad Reed devait lui confier, alors qu’il était, selon ses propres dires, « dans la meilleure forme de sa vie » ?
Le duel ! MX1/Open
Anecdote : courant 2005, BT veut partir aux USA à tout prix. Après quelques tractations, il se met d’accord avec Honda HRC pour rejoindre l’équipe officielle. Le contrat arrive en Europe entre ses mains et… ne sera jamais signé. La raison ? Mickaël Pichon l’a dissuadé de rejoindre les rouges, trop « corporate » et prompts à mettre la pression, et l’a poussé dans les bras de son vieux pote Mitch Payton. D’après BT, ce serait Mitch qui aurait appelé Micka pour convaincre le jeune de signer chez lui !
Par Richard Angot.
Dernière danse en 2015.