Interview Pascal Finot
Entraîneur national de Motocross, Pascal Finot est l’un des artisans de la réussite française lors du dernier Motocross des Nations en Angleterre. Il nous livre son sentiment sur cette dernière édition riche en émotions qu’il a vécu comme une revanche contre les détracteurs de la sélection et de l’intégration de Christophe Charlier.
Alors Pascal, au soir de cette magnifique journée, qu’est-ce qui fut le plus difficile à gérer : la boue, la pression ou l’émotion, tout simplement.
“Je vais te dire que c’est surtout l’émotion. Après 15 jours passés avec CC dans le nord de la France, en Picardie, en Belgique pour le faire rouler en 250, à enchaîner les kilomètres, dans les 3000 bornes au total, j’arrivais à un niveau de fatigue physique extrême. Un état dans lequel les émotions sont vécues beaucoup plus intensément. On a galéré avec la météo, les incertitudes et tu vis ça avec un stress extrême. Stress qui rajoute à ta fatigue. Et puis, lundi, j’ai récupéré Christophe dans un piteux état suite à son week-end anglais compliqué. Il n’avait toujours pas ses bagages mardi, ce qui a ajouté en inquiétude, bref, cette préparation ne fut pas simple.”
Il a roulé combien de fois du coup avant les Nations ?
” Une fois. On avait initialement prévu qu’il roule mardi, mercredi et une dernière fois jeudi en Angleterre, notamment pour se mettre en main sa moto d’usine, mais il n’a pu enchaîner que quelques tours mercredi. Et encore, il se ressentait encore de sa grosse chute en Angleterre et ce n’était pas un roulage optimal. Mais bon, vu la violence de sa chute, on va se dire qu’on a eu de la chance, dans son malheur… On a frôlé la catastrophe.”
Donc la préparation fut plus stressante que la course elle-même ?
“Je ne sais pas si l’on peut aller jusque là. Le truc très stressant, c’était CC lui même. Ses capacités. Il n’avait pas pris un départ depuis un an, comment se débrouillerait-il en course ? Surtout qu’à l’entraînement, ce n’était pas ça.”
Tu t’es demandé si ça n’avait pas été une erreur ?
“Non. Jamais ! Parce qu’une fois qu’un choix est fait, il faut foncer, y croire jusqu’au bout. Sa deuxième manche, avec son départ fulgurant et sa course canon, nous le prouvent ! Après, j’avoue que les sélections de Romain et Gautier, des gars que je côtoie depuis trois ans maintenant puisqu’on a enchaîné trois éditions du MXDN ensemble avaient un côté réconfortant parce que je sais de quoi ils sont capables. Ce sont des solides. Mais la sélection de CC représentait un gros challenge, pour l’Equipe de France et pour lui. Et ce soir je suis heureux parce qu’il est réussi.”
La boue est venue perturber vos plans, j’imagine, comment avez-vous réagi quand vous avez constaté l’état de la piste ?
” Tu sais, ce sont des grands garçons, ils savent quoi faire pour rouler dans ces conditions. Il n’y avait plus qu’à les rassurer, les surmotiver pour prendre de bons départs et faire les bons choix pour qu’ils s’extirpent devant… Là, il fallait prendre des risques et c’est ce qu’on a fait, les pilotes, Thierry (ndr, Van den Bosch) et moi.”
Tu parles du fait de faire rentrer Christophe en seconde position, à l’extérieur ?
“Oui. C’était un choix osé, mais qui répond à un scénario très réfléchi. Nous avions un plan qui prévoyait une majorité de scénarii. Avec plusieurs coups d’avance. Comme dans une partie d’échec. Après, évidemment, cela comportait une prise de risques.”
Tu parles du fait de virer au premier virage dans le pack. Ce n’est jamais confortable…
“Exactement. Hier, en qualifications, Christophe est parti seizième, et au bout d’un ou deux tours, il pointait à la sixième place. Cela signifiait qu’il n’était pas super au point au niveau des départs, mais qu’en revanche, ensuite, il avait la capacité de se faufiler. On en a déduit les conséquences pour le lendemain… Enfin, tout ça partait du postulat que Romain et Gautier allaient marquer des petits points et que CC n’avait qu’une manche de folie à faire. Il en a fait deux, c’était parfait ! Bravo à lui car ce n’était pas simple. Je suis vraiment fier de cette Equipe de France !”
Je suis vraiment fier de cette Equipe de France !
Finalement, on se dit que si les autres postulants avaient été sur leurs deux jambes, il y aurait eu moyen de former deux Equipes de France…
” Oui, c’est vrai. Marvin en 450, Benoit également et Dylan en 250…”
Je t’ai entendu lâcher à l’arrivée, revanchard, que vous leur aviez montré ? De qui tu parlais ?
” De tous ses détracteurs qui ont cassé du sucre sur le dos de la Fédération lorsque l’intégration de Christophe a été annoncée. De tous ces gens qui m’ont envoyé des textos pour me dire, plus ou moins sympathiquement, que c’était une connerie. Même si j’ai participé à ces trois victoires successives, il me manquera toujours un titre de champion du Monde, ou de grand champion, pour être accepté par certains. Et forcément, quand tu le réalises, ça te fout les boules. Comme ça me fout les boules de voir que la Fédération, malgré tout ce qu’elle fait pour cette Equipe de France, pour les jeunes, malgré son savoir-faire lors des courses par équipes, je parle des Nations européennes, du Nations de side-car et de quad où la semaine dernière, en Italie, nos pilotes scorent un podium, le premier depuis 20 ans. Et bien malgré tout ça, la Fédération reste décriée. Elle ne le mérite vraiment pas et c’est pourquoi j’avais une pensée spéciale pour ces gens à l’arrivée de la dernière manche. “