Trois fois champion de France, trois victoires en GP, quatre sélections au Motocross des Nations pour la France, Fred Vialle était, avant de devenir le père du champion du monde MX2 Tom Vialle, un pilier du MX/SX français et mondial. Après avoir beaucoup donné pour parvenir à mettre son fils dans les meilleures conditions, Fred a su ensuite confier les rênes de l’entraînement à l’équipe KTM, et Tom n’a pas laissé sa chance. On avait envie de s’entretenir avec un père fier et heureux.
Pour les plus jeunes, Fred lui-même a battu les plus grands à son époque, comme ici Seb Tortelli.
Ça y est, la pression commence à retomber après le titre et les obligations ou c’est déjà retour au boulot ?
Dans la mesure où on n’a pas pu vraiment fêter le titre avec des amis à cause de la Covid, on est vite passé à autre chose. On a pris quinze jours tranquille et là, comme tu dis, on est de retour au boulot. On est concentré sur la saison prochaine. Cette semaine on s’est mis sur le planning avec Joël (Smets) pour organiser l’année 2021, parce qu’on doit s’adapter au fait que ça n’attaque qu’en avril. La Covid est toujours là, donc c’est pas facile. Joël a adapté une salle de musculation pour qu’on ne soit pas bloqué pour la préparation, par exemple.
Vous avez pris des vacances ?
Tom, oui, un petit peu, mais ma femme Barbara, Nathan (le frère de Tom) et moi non, pas du tout. On en a profité pour rentrer à la maison, l’entretenir, tout ça. Avec tous les allers-retours qu’on a fait cette année, c’est bien justement de pouvoir se poser un peu à la maison dans le sud. C’est le moment où on a pu se relâcher totalement. Là, moi je suis remonté cette semaine pour préparer la saison prochaine mais Nathan et Barbara sont à la maison en ce moment
Justement, comment ça se passe ? Vous habitez où ?
On fait des allers-retours au maximum ! On vit en Belgique et en France, on fait les deux ! Mais on essaye d’être en France le plus possible. Tom, lui, est en Belgique la plupart du temps pour sa préparation. Mais quand il roule, on essaye au maximum d’être là pour le décharger de l’intendance. Le linge, la bouffe, tout ça… C’est pas facile, c’est une sacrée organisation. On peut y arriver en étant seul, c’est vrai, mais dans la moto c’est quand même difficile. Si en rentrant de l’entraînement, tu dois te taper les machines, le linge, te préparer tes repas, faire la vaisselle, tu vas forcément empiéter sur ta récupération et ça peut conduire à de la fatigue, des blessures…
Ça ne doit pas être facile pour un sudiste comme toi de vivre en Belgique, tu confirmes ?
(rires) Oui, je confirme !
C’est pas trop dur à vivre Nathan, d’avoir un frère dans la lumière comme ça ?
Tout dépend des caractères, j’imagine. On est tous différents. Tom est resté comme il était avant avec lui. Nathan est content, il aime bien la moto, il s’éclate. Ça lui plaît d’aider son frère, donc il n’y a pas de problèmes pour l’instant.
« Plus il y a de monde dans la bulle, plus il y a de soucis. »
Toi personnellement, quel est ton rôle ?
Mon rôle, c’est d’aider KTM et Joël dans la « lecture » de Tom. Au départ, ils ne le connaissaient pas bien évidemment, contrairement à moi. J’étais donc là pour dire « attention, là il est fatigué. » par exemple, pour avancer et ne pas perdre de temps. Sur les GP, je fais l’intendance, je m’occupe du casque, on parle de trajectoires… Mais je n’interviens pas tellement, j’évite. Pour le rendre autonome, déjà, et aussi pour ne pas entrer dans la bulle qu’il y a avec le team, Joël et Tom. Si je commence à m’immiscer dans cette bulle-là, ça peut créer des problèmes. Plus il y a de monde dans la bulle, plus il y a de soucis. La force du team KTM, en plus de la moto qui est super, on le sait, c’est l’équipe. Ils sont super professionnels, ils savent où ils vont. C’est ce qui m’a le plus marqué quand on est arrivé.
Justement, comment te définirais l’ambiance dans le team ? Une famille, des relations de travail ?
L’ambiance est super pour l’instant, mais aussi parce que Tom a tout réussi jusqu’ici, en gros. Ça aide. Je dirais comme une famille mais entre guillemets, parce que c’est un boulot, quand même. Mais l’ambiance est soudée. Tout le monde s’entend très bien, que ce soit les coéquipiers, Hofer comme Jeffrey, ou les mécanos. Jeffrey, par exemple, est traité comme un René Hofer, au même niveau. Pas de passe-droits, et je trouve que c’est très bien. Valentina Ragni (la coordinatrice KTM) fait le tampon avec tout le monde, elle est super. Ça se passe très bien.
Quelle est ta relation avec Joël Smets ? Vous vous connaissiez à l’époque ?
Non, on ne se connaissait pas. On se disait bonjour, voilà. J’ai toujours eu de l’admiration pour lui quand il roulait. C’est un beau palmarès ! C’est quelqu’un de très gentil, en plus il parle français. Mais on n’avait jamais passé plus d’une heure ensemble avant. On apprend à se connaître au fur et à mesure, mais je savais dès le départ que ça allait le faire avec Tom. C’est un bosseur, ça se voit sur lui. D’ailleurs, au moment de signer le premier contrat, je n’ai pas demandé grand chose mais j’ai demandé que ce soit Joël qui s’occupe de Tom. Sans lui, ça aurait plus que difficile de prendre le guidon.
Tu t’attendais à une progression aussi rapide depuis les débuts de Tom en GP ?
Honnêtement, non, et KTM et Joël non plus. Champion du monde, c’est un sacré pas ! Après, de l’extérieur, quand tu n’es pas dans le team, tu te dis « c’est normal, il a la meilleure moto, la meilleure équipe, il doit gagner. » Mais ce n’est pas si évident que ça ! Surtout cette année, où on s’est quand même tapé Valkenswaard et trois fois Lommel, ça fait quatre gros GP dans le sable. Et il en a gagné trois. Je pense que ce qui s’est passé, c’est qu’il y a eu une super alchimie entre Joël, le team et Tom, et ça l’a boosté. C’est comme le départ décisif pour le titre (la première manche d’Arco 2), c’est inexplicable. Il faut le faire !
Sur quoi Tom doit encore progresser ?
Plein de choses, parce que c’est allé tellement vite ! J’ai lu une interview de Pit Beirer où il disait qu’il doit encore s’étoffer physiquement, et je crois qu’il est dans la réalité. Au niveau technique, il doit trouver encore plus de fluidité, pour prendre plus de vitesse. Il peut aller encore un peu plus vite, oui. C’est normal. Je pense que le titre va changer des choses, aussi, comme Prado quand il a gagné son premier. L’année d’après, quand il sortait de l’auvent il savait qu’il allait gagner. Pas forcément à tous les coups, mais la plupart du temps.
Vous avez déjà eu des envies d’USA, ou jamais ?
Oui, il a eu cette motivation là, on en a discuté. Moi, j’ai toujours été à bloc sur le Supercross, donc j’aimerais bien, mais ça demande une sacrée organisation. Et de repartir quasiment à zéro, aussi. Là, on sort à peine la tête de l’eau, donc se replonger tout de suite dans un autre challenge, ce n’est pas facile ! D’autant que les USA en ce moment avec la Covid, ça ne fait pas trop rêver. Plus le niveau des 450 en SX, il est vraiment élevé. Faire sept courses de SX en 250 pour se familiariser, ça c’est top, avant d’attaquer le MX. En outdoor, ça roule fort devant en 250, mais par contre il y a des énormes écarts de niveau, c’est limite dangereux. Derrière, il y a des gars, tu te demandes ce qu’ils font là. Mais quand tu passes en 450, là le niveau, ça roule vraiment très fort, en SX comme en MX. Pour l’instant, on est bien en Europe, avec des beaux championnats, des teams bien professionnels. Ce sera le choix de Tom de toute façon, mais là on est bien chez KTM.
Par Richard Angot.
“La famille, la famille, la famille”, comme dirait Orelsan…