Selon les régions, la nature du sol et le profil des terrains, la proportion « technique-mental » varie. Un terrain du sud, parsemé de fines ornières incubées d’arrêtes cassantes, de sauts techniques et de changements d’adhérence fera la part belle au bagage technique. A l’inverse, les terrains nordistes, sablonneux ou adhérents à souhait, truffés d’appuis, de trous au freinage et de saut à plat, avantageront les pilotes plus physiques.
Plus au nord (Belgique/Hollande), le différentiel y est encore plus marqué. Il m’arrive tous les week-end de voir des gamins capables d’effectuer une impulsion assise impeccable sur un appel truffé d’ornières ou des sorties de virages en glisse 2 pieds d’appui parfaitement maîtrisées, se faire oublier par d’autres qui ne savent ni sauter, ni freiner, ni glisser mais « mouillent le maillot »…
Tachons de décortiquer ces « paramètres du mental »
. Le physique
Même si certains en doutent, physique et mental sont étroitement liés. Le gamin qui se lève à 6h30, enfile ses pompes de running de son plein gré pour aller courir seul dans la pénombre 45 minutes à jeûn avant de prendre le bus scolaire a, au-delà du bénéfice physique, déjà marqué un point mental au travers de sa démarche.
Si il le fait afin de faire plaisir à son père ou pour faire comme X ou Y, le bénéfice mental en est naturellement réduit.
. L’orgueil
« Je ne me supporte pas de …
– Me faire battre par X ou Y »
– Ne pas mettre un pied devant l’autre sur ce terrain ! »
Telles sont les phrases que répétaient souvent un pilote que j’ai eu l’occasion de fréquenter. Le X ou le Y, il leur donnait rendez vous sur le spot le plus proche pour une 3ème manche et le terrain sur lequel il ne mettait pas un pied devant l’autre, il y retournait le lendemain dès l’ouverture…
. Exigeant avec soi même (en étroite relation avec le point précédant)
A la lecture de la plupart des interviews, on pourrait croire que S. Pourcel, Aubin ou Frossard ne sont que des aigris frustrés jamais contents de leurs prestations.
Ce sont juste des pilotes exigeants avec eux-mêmes, qui savent exactement ce dont ils sont capables et à même de juger leurs prestations en faisant abstraction du résultat brut.
Il arrive que l’on roule excessivement mal pour une seconde ou une troisième place. Encore faut il savoir le reconnaître…
. Se remettre en question
Faites l’expérience vous-mêmes, placez vous à l’arrivée d’une manche de ligue et tendez l’oreille…
« J’ai mal aux bras depuis le 2ème tour… »
« Ils ont arrosé comme des c*** !! »
« La fourche est béton ! »
« X m’a bouchonné toute la manche, je pouvais rien faire !! »
« J’ai plus de tears off, j’y voyais plus rien ! »
« Trop mal aux mains, t’as vu les ampoules !?… »
J’en passe et des meilleures…
Le terrain, la météo, les trous et l’arrosage sont les mêmes pour tout le monde…
Certains pilotes sont rentrés dans les 10 en GP/Outdoor US avec des 450 stock.
A partir de la, soit on prend sur soi, soit on peut rien pour vous…
. Repousser la limite
Ou savoir «se faire mal ». Sur le vélo, à la piscine, en course à pied, sous une barre de muscul’ mais aussi et surtout sur la moto.
Les années défilant, le niveau s’élevant, le confort s’installant et l’envie parfois décroissante, il est souvent difficile de repousser continuellement les limites. On a parfois tendance à chercher le plaisir avant la performance.
Or un entraînement, physique ou moto, n’a valeur de productivité qu’à partir du moment ou la limite est taquinée, pour ne pas dire repoussée (selon les cas).
L’alchimie idéale consiste à injecter plaisir et « repousse de limites » au cours d’une même séance.
. Le « never give up »
« Tant que la moto a 2 roues et un guidon, on va au bout du truc… »
Pour mémoire Tortelli qui pousse la CR sur le plateau de Red Bud, Huges qui emmène la PC à bout de bras dans les années 90’ ou encore le cas Alessi plus récemment.
Souvenez vous aussi des chutes de Ricky en SX ! Des butasses à vous clouer en invalidité pendant 3 semaines et à revendre « tout le bordel »… Lui s’empressait de relever la moto pour aller marquer de gros points.
. Le « number one »
Ou toujours vouloir être le premier, à tous moments et en toutes circonstances…
Au volant d’un karting de loc’, d’une partie de pétanque avec les collègues, au feu rouge en voiture ou même lors d’un jeu de société en famille.
Pour l’anecdote, placez vous à l’entrée d’un parc fermé de ligue lorsque les courses s’enchaînent et voyez ceux qui rentrent les premiers dans le pré parc.
Ce sont souvent les mêmes têtes qui vont virer devant au premier virage et qui franchiront le drapeau à damier avec les honneurs…
Voila, je pense avoir à peu près fait le tour. Il est évident que les différents points se tiennent, se recoupent et leur corrélation est évidente. Celui qui joue des coudes dans la file du supermarché fera de même dans peloton, celui qui pousse les limites sur une séance de développé couché après neuf heures de travail ne lâchera pas le morceau sur la moto. Et celui qui se lève à 5 heures du mat’ pour aller seul sur une course avec sa remorque et son éponge ne va pas s’arrêter à mi manche car il a crevé de l’arrière…
Je terminerai en rendant un hommage à Jason Denys. Un kid de 18 ans qui a lourdement chuté le WE dernier en ligue des Flandres.
A l’heure de l’assistanat quasi généralisé, des « pilotes pleureuses », des camping car XXL et des pilotes très préoccupés par la photo qui trônera sur la page d’accueil de leur skyblog le lundi matin, Jason lui était aux antipodes de tout cela.
Jamais il ne s’est plaint de son amortisseur, du terrain ou de ses ampoules aux mains. Quand Jason enfilait son casque, il partait en guerre, en guerre contre lui-même et contre cette société par toujours tendre avec lui et ses proches.
Jason ne montera plus jamais sur une moto mais son engagement, sa générosité (sur la piste et en dehors), sa combativité et sa gentillesse restera comme un modèle pour tous.
Continue à te battre soldat #518, comme tu l’as toujours fait…