Ken Roczen est en tête du championnat des USA de SX, ça ne vous aura pas échapper si vous suivez un peu le SX/MX. C’est loin d’être la première fois, mais si c’était la bonne ?
Kenny à 13 ans. Pas le genre à rester en 85 cm3 jusqu’à l’âge limite…
Si l’Allemand parvenait à concrétiser et enfin remporter ce titre qui lui manque, il couronnerait une carrière déjà absolument incroyable. Le plus étonnant étant que Roczen, né le 29 avril 1994, n’a que 26 ans. Soit le même âge que l’actuel leader de la côte est Colt Nichols, par exemple, pour mettre les choses en perspective. C’est simple, dans les dix premiers du classement général, seuls Webb, Cianciarulo et Plessinger sont plus jeunes ! Mais le pilote Honda HRC monte sur des podiums depuis si longtemps qu’on a l’impression qu’il fait partie des meubles…
A tel point qu’on a parfois du mal à se rendre compte de la profondeur de la carrière de Kenny, tout comme de sa précocité. Surtout pour un pilote né à Mattstedt, au fin fond de ce qu’on appelait encore Allemagne de l’est cinq seulement avant sa naissance, Trabant comprises. La famille est modeste, mais les débuts sont vite prometteurs. Si bien qu’en 2007, à 13 ans, il est déjà champion du monde 85 cm3, couvé par Suzuki et Red Bull, tout en s’essayant déjà en 450 cm3 quand l’occasion se présente ! L’année suivante, il passe directement en 250, avec au programme l’EMX250, et un trip à Loretta Lynn’s, où il annonce clairement à Vurb Moto que son avenir est aux USA. Gonflé, à 14 ans, quand on n’a encore pas réalisé grand chose.
En 2008 à Loretta Lynn’s. Confiant.
Ça va venir vite ! Le garçon a sans conteste une grande confiance en lui-même, mais aussi de quoi assumer derrière. Obligé d’attendre ses 15 ans pour faire ses débuts en MX2 en cours de saison, la progression est alors météorique. 9/4 de son premier GP à Agueda, il termine second d’une manche dès le GP suivant à Bellpuig. Avant de remporter à domicile le cinquième GP de sa carrière et de terminer cinquième du championnat en ayant manqué les quatre premiers GP. Là, on peut se dire qu’on en tient un bon. Imaginez, c’était il y a douze ans !
Depuis, il est devenu, pour sa première saison chez KTM, le plus jeune champion du monde en 2011 à 17 ans, tout en remportant son premier SX en début de saison, avant même le début des GP. Pour remettre dans le contexte, c’est comme si… Non en fait, aucun exemple ne colle, même les pilotes EMX2 sont plus âgés, et comment en imaginer un s’imposer en SX US à 17 ans ? Juste impensable…
L’année suivante, pour sa première saison US complète, Roczen s’incline face à un Barcia plus expérimenté (et deux ans plus vieux) sur la côte est, il profite de sa troisième pige en 450 pour signer une seconde place derrière son pote Andrew Short (pour sa seule victoire) sur la 350 KTM. Difficile à imaginer aujourd’hui, encore une fois… En 2013, il concrétise enfin en remportant le championnat 250 côte ouest, avant de passer dès 2014 en 450, à 20 ans. Et de gagner sa première course en tant que pilote 450 à plein temps, même s’il avait goûté à la catégorie avant, dès son arrivée aux USA.
S’il ne termine « que » troisième du championnat derrière Villopoto et Dungey. Il remporte son premier titre outdoor en 450 cet été-là. Avant de décider dans la foulée de quitter KTM pour s’engager avec un team privé, RCH. Pour une belle valise de dollars et, surtout, cette Suzuki qu’il veut absolument piloter. Lui qui a perdu confiance dans la KTM. En 2015, on le voit bien enfin décroche le Graal, après une entame de saison (deux victoires et une seconde place) digne de cette année.
Mais une grosse erreur sur un triple à Oakland brise son élan. Avant qu’une blessure à Daytona ne vienne mettre un terme à son année en SX. De retour en outdoor, il subit certes la loi de ce métronome de Dungey. Mais il termine tout de même vice-champion. Comme l’année suivante, toujours derrière Dungey, avec tout de même cinq victoires au compteur. Par contre, il punit tout le monde en outdoor, remportant neuf courses sur douze…
T’as déjà vu un crash à un million de dollars ? C’est comme ça.
C’est le moment où Kenny décide une nouvelle fois de réinventer, en signant pour le puissant team Honda HRC. Un contrat très juteux, justifié par le fait que Ken est incontestablement le prochain élu. Honda n’a pas gagné depuis longtemps et veut ce titre SX qui lui échappe. Et Ken est de loin le meilleur parti. Impressionnant à la Monster Cup, où il remporte deux courses sur trois. Mais manque le million de dollars suite à une chute alors qu’il était en tête à quelques tours de l’arrivée. Le monde entier se dit que cette fois, c’est bien l’année Kenny.
Qui débarque en costard nickel à la conférence de presse d’Anaheim 1, au milieu des autres pilotes en chemisettes bariolées de sponsors. Ses deux premières courses limpides, qu’il remportent, prouvent qu’il n’est pas là pour faire le nombre. Une nouvelle fois, il porte la plaque rouge. Pas pour longtemps. La troisième épreuve est une catastrophe. Une petite erreur, et c’est le drame. Crash énorme, bras broyé. Une fois que les observateurs et les médias en savent plus, tout le monde se dit que sa carrière est terminée. Onze opérations par les meilleurs chirurgiens US et 350 jours plus tard, il est pourtant au départ d’Anaheim 1 2018 !
Sa quatrième place ce soir-là fait office de miracle, sa seconde la semaine suivante de résurrection. Avant que le ciel ne lui retombe sur la tête à la septième épreuve d’Arlington, quand il se pulvérise l’autre bras en tentant de block-passer Cooper Webb, avec qui il entretient alors des relations exécrables depuis que Webb s’affiche avec l’ex-compagne de Kenny. Le voici de nouveau à l’infirmerie, d’où il poste des images assez déstabilisantes de ses blessures sur Instagram. Une appli dont il est le maître absolu dans le milieu SX/MX, loin devant les autres.
Globalement, il est de toute façon le meilleur communicant des pilotes, ce qui en fait le favori des médias comme d’une large partie du public. En étant allemand ! Ken sera de retour pour l’outdoor, avec une troisième place finale à la clé et une victoire à Red Bud. Mais aussi de gros doutes sur son état de santé depuis qu’il est de retour à la compétition. Parfois, notamment quand il fait chaud, Ken craque totalement physiquement. On parle de mononucléose, de variants du virus Epstein-Barr, de carences dans le sang… Bref, ça ne va pas fort. Logique, tant son corps a été sollicité, à la fois par les blessures, les opérations comme par les médicaments qu’il a dû prendre pour se soigner. Et peut-être aussi par « l’affaire lime-gate », quand Dirt Wurx a abusé de la chaux pour sécher un circuit de San Diego très arrosé.
S’il ne parvient pas à s’imposer en SX en 2019, Ken Roczen monte quand même sur six podiums et finit quatrième du championnat. Cela en ayant vécu un drame familial dès le début de saison : le frère de sa femme, ami et coach à plein temps, l’ancien pro Blake Savage, chute en SX. Ken est avec lui sur le terrain et le premier à venir l’aider. C5, C6 et C7 fracturées, Blake se retrouve paralysé. Encore une épreuve terrible à surmonter pour Kenny, Blake et la famille Roczen. Il parvient pourtant à enchaîner sur une nouvelle place de vice-champion en outdoor, avec trois victoires au compteur.
Enfin, en 2020, il réussit enfin à renouer avec la victoire en SX, et par quatre fois ! Ken Roczen a longtemps été dans le coup pour le championnat, jusqu’à la coupure Covid en fait. S’il a perdu le titre et même la seconde place lors du sprint final de Salt Lake City, en partie suite à des nouveaux soucis de santé, dont un zona. Il a montré que sa vitesse était toujours présente. Kenny prend la décision radicale de tirer un trait sur l’outdoor. Pour se donner toutes les chances de remettre son corps meurtri en état pour se lancer une nouvelle fois à l’assaut du Graal SX en janvier…
2021, l’année Roczen, enfin ? Aucune idée. Quelque part, on s’en fout, et on ne veut de toute manière pas lui porter la poisse. Ce que je retiens, c’est ce que ce jeune homme de 26 ans seulement, papa depuis septembre dernier, a vécu comme émotions, comme hauts, comme bas, comme joies, comme désillusions, comme drames … Depuis le début de sa carrière en font un type absolument hors-normes. La trace, l’héritage même, qu’il laissera dans le sport, resteront gravés dans les tablettes pour toujours. On a de la chance d’avoir connu la période Ken Roczen. Qu’il remporte ce titre ou pas.
Bonus 100% gratuit, pour le plaisir, comme disait Herbert Léonard.