Christian Craig mène le championnat SX 250 de la côte ouest de 18 points, avec une épreuve encore au programme, la finale de Salt Lake City en forme de Showdown. Jamais le pilote californien n’avait été dans une position aussi favorable, même s’il avait déjà une chance pour le titre l’an dernier quand il s’est cassé la jambe à SLC1, l’avant-dernière course de la saison. La routine.
La vie et la carrière de Christian Craig sont en effet marquée par le sceau des blessures. Nombreuses, régulières, graves parfois, bénignes d’autres, pesantes toujours. Se blesser n’est pas drôle, c’est évident, mais tous les ans, et parfois plusieurs fois par an, ça finit par taper sur le système. À tel point qu’il a moment stoppé sa carrière. On va y revenir.
Christian Craig, c’est en premier lieu un “fils de”, celui de Mike « Stingray » Craig, comme il est surnommé à l’époque. Un top pilote pro des années fin 80/début 90, période Bradshaw/Stanton/Bayle/McGrath, des pilotes qu’il a tous battu à un moment à un autre, malgré une assiduité à l’entraînement toute relative et une hygiène de vie basée sur la chasse aux jupons, une règle de l’époque. Un temps révolu et lointain, quoi. N’empêche, Mike, un temps pilote d’usine Yamaha, quand même, a réalisé le fantasme de 99.9% des pilotes : remporter une finale de SX US. Tampa 1994, pour être précis. Respect. Connu pour son pilotage hyper précis et sa faculté à sauter tout et n’importe quoi (sur le terrain comme en dehors), Mike était un de ces fameux « personnages » des 90′ comme on n’en fait plus.
Mike Craig, le papa, savait rouler aussi.
Christian a donc trois ans quand son père est au top. Rapidement, il le met d’ailleurs sur une moto et lui apprend les bases. Mais au fur et à mesure des années, leurs chemins divergent. Joanna, la mère de Christian, se sépare de Mike qui connaît des temps difficiles, avec une sérieuse addiction à la méthamphétamine qui durera pas loin de 20 ans. Ceux qui ont vu Breaking bad savent. Bref, finalement, le petit Christian parvient tout de même à se faire un nom sur la scène californienne de MX en Amateurs, en se frottant régulièrement avec la crème, représentée par un Justin Barcia à l’est, par exemple. CC le bat quelques fois aux Mini Os, ce qui, associé au nom célèbre du père, suffit à attirer l’attention sur le jeune, déjà doté d’un style atypique à l’époque par rapport au même Barcia…
Finalement, Christian Craig passe pro de manière atypique également, en s’engageant à l’épreuve SX des X-Games 2009. Non, pas de faute de frappe… 2009. Avant de terminer la saison outdoor au guidon d’une Yamaha pour le team JGR en 450, en remplacement de Josh Grant blessé (pléonasme?) avec plusieurs top 10 de manche à son actif. Ce qui est fort, pour un total rookie dans la catégorie reine, avec une moto pas évidente à piloter. De quoi retenir l’attention de David Pingree, qui est à l’époque le team manager chez Troy Lee Honda. Le deal est signé, et CC s’entraîne pour la dernière fois sur le modèle 2009 en novembre, avant de monter le lendemain sur la 2010… Mais le destin en décide autrement, puisque la machine casse sur un appel. Christian s’éjecte en l’air, mais prend la moto dans le dos, qui le balance contre un appel. Christian ne peut plus bouger les jambes, c’est la catastrophe. Mais après onze heures d’opération (!!!), une semaine d’hôpital et du métal dans le dos, le jeune Californien s’en sort finalement sans paralysie ni séquelles permanentes. Il lui faudra toutefois une année complète pour se rétablir.
Christian Craig fait donc enfin ses débuts en SX en 2011, en même temps d’ailleurs qu’un certain Ken Roczen. Le team TLD Honda lui avait garanti la place s’il voulait revenir et a tenu parole. Et le rookie ne laisse pas passer sa chance, en holeshant la finale, avant que Josh Hansen ne l’envoie à terre dès le premier tour ! Bienvenue chez les pros ! Après une deuxième épreuve compliquée avec encore une chute dans le premier tour, CC144 se blesse au genou dès la suivante et tire un trait sur sa saison de SX. TLD voulant faire rouler un pilote en 450 en outdoor, il lui demande si ça pourrait l’intéresser. Et déjà à l’époque, la réponse est oui. Avec rapidement des miracles, comme cette manche à Freestone qu’il holeshote et mène la moitié du temps ! L’industrie ouvre les yeux : ils en tiennent un bon, là, même s’il ne termine pas la saison, scaphoïde cassé à Millville.
Ce n’est qu’à l’ouverture de la saison 2012 que lui et son équipe TLD, avec qui il a résigné plusieurs années, s’aperçoivent que l’os ne s’est pas bien ressoudé. Pas de saison de SX, une nouvelle fois. Christian revient de nouveau en outdoor 450, toujours avec des résultats très corrects dans la catégorie compte-tenu de son inexpérience relative. On parle d’une époque où il se bat avec des Ryan Dungey, Andrew Short, Davey Millsaps, Mike Alessi, Jake Weimer…
2013 ne se passe toujours au mieux, avec des résultats en dents de scie en SX, puis une nouvelle fracture du scaphoïde, le même que l’année précédente. C’est trop pour le jeune homme, qui annonce son retrait de la compétition en fin de saison. Christian et Paige, sa femme et fille du copropriétaire du team Geico Jeff Majkrzak, déménagent dans le Minnesota où CC travaille dans la boite de construction de maison de beau-papa. Il revient pourtant faire quatre courses en outdoor, pour le team de beau-papa, justement. Avec quelques résultats qui font dire qu’il n’a pas perdu la main. C’est donc naturellement que le team Geico l’appelle une nouvelle fois pour remplacer Justin Bogle blessé fin mai pour l’outdoor, en 250 cette fois.
Ce n’est qu’en 2016 que le tout jeune père de famille parvient enfin à arracher une première victoire en SX à Glendale. Un soulagement, et la preuve que la décision de revenir à la compétition était la bonne. En terminant troisième du championnat côte ouest, il prouve son potentiel. Enfin. Mais enchaîne par une fracture tibia/péroné. Saison outdoor pliée. Dans l’hiver, il embauche un certain David Vuillemin pour l’aider à passer un nouveau cap en 2017. L’histoire ne dure pourtant pas longtemps avant que les deux ne se quittent « en bons termes », comme on dit. La saison SX est moyenne, mais une bonne nouvelle attend le beau gosse blond : un remplacement en 450 pour le team Honda HRC, à la place de Ken Roczen, victime d’une horrible blessure au bras. Mais lui aussi se casse une main dès la deuxième épreuve…
CC aborde donc 2018 dans la peau d’un favori, mais ça ne veut toujours pas. Sixième de la côte ouest, il accepte de remplacer son pote Seely en 450 dans le team HRC encore une fois pour les courses à l’est, et poste quasiment les mêmes résultats que sur la 250… Quatrième à Daytona comme à Salt Lake City ou Las Vegas, le garçon montre qu’il peut jouer avec les Musquin, Webb, Anderson et cie… Honda le prolonge donc pour l’outdoor, avant qu’il ne se pulvérise les ligaments dès le premier tour de l’ouverture, alors qu’il menait la course !
En 2019 ? Tout commence l’hiver par une fracture du pouce mi-décembre, qui le pousse vers la côte est. Mi-février, il repasse par la case opération parce que la fracture n’a pas guéri. Avant la cerise sur le gâteau, une suspension pour dopage à l’Heptaminol (qu’il a toujours réfuté) par la FIM pour un contrôle effectué à Daytona 2018 ! Finalement, la FIM et le clan Craig trouvent un arrangement qui lui permet de disputer le début de saison 2020. Troisième de l’ouverture à Anaheim 1, il abandonne à Saint Louis après un gros crash, avant de se faire sortir virilement par Dylan Ferrandis la course suivante, à A2. Encore une saison SX morte ! Et encore un remplacement sur la Honda officielle du HRC en outdoor à la place de Kenny Roczen. Avec des résultats très corrects pour une sixième place finale, mais pas de podiums.
Ce qui s’appelle avoir le cul entre deux chaises !
Finalement, après toute sa carrière professionnelle sur des Honda de toutes sortes (TLD, Geico, HRC…), Christian Craig va créer la surprise en annonçant sa signature avec le team Yamaha Star Racing de Bobby Regan. Depuis quelques années, c’est clairement « the place to be » pour performer en 250, on a l’occasion de la voir avec Jeremy Martin, Cooper Webb, Justin Cooper ou Dylan Ferrandis, entre autres. Le moteur inversé de la Yam permet concrètement de produite plus de chevaux que les autres, et la puissance fait tout dans la catégorie. Qui plus est, Christian continuera la tradition de travailler en famille, puisque le chef mécano du team à l’époque (maintenant team manager du programme 450) n’est autre que Jeremy Coker, le propre frère de Christian. Demi-frère, disons, puisqu’ils ne partagent que la même mère biologique, ce qui n’est déjà pas si mal, mais Jeremy a été élevé par Mike Craig dans ses jeunes années.
Cette fois, on va voir ce qu’on voir, avec la nouvelle moto du plateau. CC est clairement un des favoris du championnat 2021 avec Jett Lawrence et son propre coéquipier Colt Nichols, avec qui il partage cette amour des salles d’attente d’hôpitaux. Christian remporte d’ailleurs l’ouverture et poursuit la saison de façon solide, enchaînant podiums et victoires. Cette fois, ça pourrait bien être la bonne ! Jusqu’à ce que… Une nouvelle fois, paf le chien ! Craig s’en prend une monumentale aux essais. Péroné cassé, cheville abîmé, titre loupé. Au profit de son team mate Nichols, qui, pour une fois, a quant à lui réussi à passer entre les gouttes…
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Damned, encore raté !
Après une saison en Outdoor 450 plutôt réussie une nouvelle fois, Christian Craig se lance pour une dernière saison en SX250 sur la côte ouest. La dernière, c’est promis, il le dit dès le début de saison. Après, Austin Forkner nous fait le coup tous les ans, on n’est pas complètement obligé d’y croire… Et cette fois, les étoiles s’alignent comme il faut pour ce titre. D’abord, le fils du Dieu du SX lui-même, Jett Lawrence, se blesse pendant l’hiver et est donc assigné sur la côte est. Honda devra donc se contenter d’Hunter. Ensuite, le tenant du titre de la côte est Colt Nichols, supposé passer à l’ouest, se blesse dès les premières minutes de la première série de la première course. Là, on se dit que quand même, ça peut le faire.
D’autant que Christian Craig montre vite qu’il a véritablement bien fait ses devoirs à l’intersaison. Météorique dans les whoops, bon partout ailleurs, il est clairement le meilleur de ce début de saison, même si quelques escarmouches de Michael Mosiman et Hunter Lawrence laissent à penser qu’il devra tout de même se méfier. Mais malgré un crash au départ à San Diego ou Vince Friese à Glendale, rien à faire, Craig gagne ou trouve de toute façon le chemin du podium. Avec 28 points d’avance arrivé au break de la côte est, c’est clairement plié, non ? Sauf que depuis, Hunter Lawrence a sérieusement pris la confiance, comme on dit dans Les Marseillais à Cancun, et qu’il a gagné les trois courses disputées, reprenant dix points dans l’affaire ! Certes, 18 pions devraient très largement suffire pour sceller le deal. En gros, notre gars a juste à aller en finale et roulotter, même si Hunter Lawrence parvient à gagner le Showdown. Mais justement, avec les deux côtés réunies, on a plus de chances de voir des bizarreries arriver. Ça ne serait pas la première fois… On ne le souhaite évidemment pas. Christian Craig , fort d’un deal de deux ans avec le team Husqvarna officiel en 450, a largement payé son dû au sport et fera un champion tout à fait respectable, même si on a senti sa fébrilité en fin de saison. Souhaitons qu’il apporte ainsi un deuxième titre cette année à Yamaha Star Racing, avant de partir dans une équipe où il n’a pas de famille, à ce qu’on sache…
Par Richard Angot.