Ex-pilote de haut-niveau devenu expert ès-suspensions et fondateur du groupe éponyme, “Beppe” Andreani parle de son activité et nous dit ce que tout utilisateur doit savoir à propos de sa fourche et de son amortisseur.
On tend à associer exclusivement le nom de Giuseppe Andreani à la marque Öhlins. Il en certes l’importateur en Italie depuis quinze ans — après qu’il l’eût été pour WP au sortir de sa carrière en Grand Prix. Or l’homme à la tête de l’Andreani Group est aussi l’actuel représentant de Showa en Europe et de Kayaba en Italie. Ses préférences sont connues chez les compétiteurs, son éclectisme peut-être moins. Nous le savons bien, dans le monde du tout-terrain amateur il est courant de porter davantage d’attentions à son moteur qu’à ses suspensions. C’est oublier le rôle primordial qu’elles jouent dans le rendement de la moto, nous rappelle “Beppe”, insistant sur la nécessité de veiller à leur entretien avant de songer à passer chez un préparateur. Il connaît nos insuffisances. Depuis des années le Groupe Andreani conduit un parcours de formation et de spécialisation des centres d’assistance qu’il équipe (il en existe sur les cinq continents) y compris sur les suspensions de première monte.
Savoir-faire tous azimuts
« Dans le groupe Andreani, une bonne partie du travail consiste à codifier des tests, expérimenter et développer de nouvelles connaissances techniques à transmettre à nos centres de service. Notre force réside dans la création d’équipements spécialisés, tels que des bancs de contrôle, pompes de purge, etc. Et aussi dans notre savoir-faire tous azimuts pour organiser des cours techniques destinés à nos revendeurs pour qu’ils soient en mesure de travailler sur des sus- pensions de toutes marques. Avoir une vue panoramique sur ce que propose le marché et la formation de notre réseau est utile pour décider d’une ligne directrice commune sur la méthode de travail. Depuis des années, nous dirigeons un parcours de connaissances générales, car ceux qui s’appuient sur notre expérience doivent apprendre à savoir gérer certaines problématiques et nous devons leur enseigner comment, et avec davantage de produits. Ils doivent être en mesure d’assurer la maintenance du produit Öhlins, comme de Showa ou de Kayaba, les suspensions les plus répandues au monde ».
Comprendre les besoins
« Notre objectif est de savoir à qui nous avons affaire. En cross, une fourche dure t’apporte au final une certaine sécurité parce que la moto plonge moins, conserve mieux son assiette, mais cela réclame une certaine expertise du pilote et une bonne forme physique sinon au bout d’un moment les bras fatiguent et le contrôle de la moto devient plus compliqué.
En enduro, la différence est encore plus évidente. Les pilotes du Team Boano sont des gars qui gagnent des championnats du monde. Ils savent rouler vite dans des endroits qu’ils découvrent et ils le font cinq heures durant. Si on recommande les mêmes réglages de suspensions à un pilote lambda qui se contente de sa sortie dominicale, le dimanche suivant, il ne sort plus ! A nous de bien comprendre les besoins de ceux qui font de la moto au niveau professionnel et de ceux qui roulent pour le plaisir, de penser aux préparations personnalisées et transmettre ces informations à nos revendeurs. »
Question de culture
«Collaborer étroitement avec les équipes et les pilotes que nous suivons sert précisément à ça. Faire des tests avec des pros comme avec des amateurs nous permet de comprendre ce qu’il faut recommander pour répondre à chaque besoin. En travaillant directement sur le produit, nous sommes en mesure de comprendre ce qui peut être utilisé pour l’améliorer, quelles sont les tendances du marché, ce que les coureurs choisissent, comment les pistes évoluent et donc aussi de savoir quel réglage convient à tel type de châssis. Nous avons tendance à diriger l’utilisateur final vers nos centres, tout en accordant à un cercle de pilotes réduit une assistance directe pour enrichir notre expérience. La complexité de ce travail réside dans la codification des différents niveaux de pilotage, mais c’est grâce à ce processus que nous sommes en mesure de répondre aux besoins d’un large éventail d’utilisateurs.
On n’apprend pas tout en ne travaillant qu’avec des pilotes de haut-niveau, il faut aussi recueillir des informations auprès de ceux qui n’ont pas forcément les bras pour emmener leur moto. La moto de tout-terrain reste un outil sportif. L’objectif que nous nous sommes fixé depuis des années est de faire avancer l’idée que les suspensions aussi nécessitent un entretien periodique. Chez les amateurs, on n’a pas tellement cette culture. Nombreux sont les utilisateurs qui pensent à vidanger leur moteur, mais continuent de rouler avec de la vieille huile dans leurs suspensions. Ce n’est pas sans conséquences sur le comportement et les performances de la moto et peut même conduire à la faute. La vidange des suspensions doit faire partie de l’entretien ordinaire d’une moto de tout-terrain. Les gens ne savent pas qu’après un certain nombre d’heures, l’amortisseur doit être révisé, faute de quoi il perd de ses qualités. »
Plannings de maintenance
« Nous essayons de donner un timing précis au pilote. Aujourd’hui, la perception que nous avons du monde du tout-terrain est que même au niveau amateur on veut des suspensions préparées. Mais on est beaucoup moins enclin à faire un entretien ordinaire. Or il est bien plus important de changer l’huile d’un amortisseur que de songer à le faire préparer si c’est pour ne pas l’entretenir ensuite. Nous faisons en sorte d’indiquer un planning de révisions précis. Il est important d’avoir une idée des intervalles d’entretien, ça aide. Aujourd’hui, les huiles hydrauliques moto sont assez standardisées. D’une marque à l’autre, elles se dégradent dans les mêmes temps et les espaces de vidanges sont plus ou moins les mêmes. Lorsqu’une fourche ne fonctionne pas bien, tant que vous ne la faites pas réviser, vous en prendrez plein les bras et ce n’est pas très amusant. Budgétiser 300/400 euros pour l’entretien de ses suspensions, avec une vidange à mi-saison et une autre à la fin, est un investissement qui paye. En maintenant ses suspensions en forme, non seulement on profite mieux de sa machine, mais on améliore aussi sa sécurité de manière exponentielle en limitant les risques de se faire surprendre comme ça arrive parfois quand la moto ne réagit pas comme on s’y attendait. »
Centres Andreani
« Ce que nous avons cherché à mettre en place, c’est un réseau de centres de service avec l’équipement nécessaire permettant de travailler efficacement dans les meilleures conditions possible. En matière de suspensions, le tout-terrain est bien plus complexe que la vitesse. A qui recherche les meilleures performances, nous proposons du Öhlins, mais nous savons que ça ne peut pas être les suspensions de tout le monde. D’ailleurs, jusqu’à un certain niveau de la compétition ou d’exigence les suspensions d’origine sont satisfaisantes dès lors qu’elles sont correctement réglées. C’est juste que, par construction et dans la qualité de leurs composants, huile comprise, elles n’entrent pas dans la même gamme de produit au niveau durabilité. Tout s’use plus rapidement, d’où l’importance d’y prêter attention. Quoiqu’il en soit, si on n’a pas le budget pour notre proposition Öhlins, il y a moyen d’obtenir de bons résultats aussi bien avec du Showa qu’avec du Kayaba. »
” Les matériaux utilisés font la différence entre les suspensions “
La différence Öhlins
« Il faut faire un distinguo entre les différents types de suspensions. Öhlins n’a pas de fourche de première monte, par exemple, uniquement une fourche adaptable. Du côté de WP, la fourche cross standard est une 48 mm à cartouche fermée – entre autre à air asymétrique — tandis que pour l’enduro, la fourche est à cartouche ouverte. En adaptable, la marque propose sa fourche Cone Valve qui fonctionne selon une conception à part, mais ce qui fait le plus la différence est la qualité de ses composants. Showa propose aussi une fourche “aftermarket”. Extérieurement, elle est différente du modèle de série de 49 à cartouche pressurisée, mais quand tu l’ouvres, c’est exactement la même. Chez Kayaba, la fourche aftermarket fait la différence en terme de rigidité avec sa qualité de fabrication. Pou résumer, on dira que chaque fabriquant utilise sa meilleure technologie pour le produit de série et monte en gamme sur l’adaptable en apportant plus de soin à la fabrication.
Par rapport aux autres propositions du marché, Öhlins fait la différence et c’est palpable. En vitesse par exemple, sur les 400 pilotes du championnat italien de production, pas un seul n’utilise un amortisseur d’origine et 75% d’entre eux montent un Öhlins. Comparativement, en motocross la géométrie de la moto importe moins du fait que vous avez des transferts de charge continuels entre l’avant et l’arrière. Nous proposons avec Öhlins un produit de très haute qualité et facile à gérer.
Des fourches dotées d’une large gamme de réglages sont apparues ces dernières années, mais l’utilisateur n’a pas compris 10% des possibilités que cela offrait. L’exemple le plus frappant est la Showa de 49 à air utilisée il y a quelques temps par Kawasaki et Honda. Sur l’un des bras tu avais le réglage de compression/ détente, sur l’autre, trois valves avec trois chambres à air reliées les unes aux autres, mais l’utilisateur ne comprenait pas le mode d’emploi. On est revenu à des choses plus simples aujourd’hui et on le voit chez Öhlins qui, il y a quelques années, est revenu à un seul réglage de compression sur son amortisseur car seul un technicien compétent sait quand il convient d’intervenir sur les hautes ou basses vitesses. Au fond, on sait bien que beaucoup de choses dans ce domaine sont des questions de marketing. Quand leurs concurrents proposent toutes sortes de possibilité de réglages, certains se sentent obligés d’en faire plus. »
Package complet
« L’avantage de nos centres de service est qu’ils n’ont rien à inventer, nous leur fournissons un package technique et une méthodologie de travail bien étudiés. Nous avons des techniciens spécialisés qui les guident dans la résolution des problèmes de réglages de tout type. L’idée étant d’aboutir à ce que notre réseau de centres de service adoptent un nouvel état d’esprit, plus déterminé. Nous le faisons aussi dans le monde du VTT. Et cela porte ses fruits ».
Contrat de confiance
«Öhlins est un produit où les moindres ajustements sont les plus sensibles. Souvent le côté réglages est plus un palliatif pour le pilote qu’autre chose, car percevoir ce que font 2 clics de compression en plus ou en moins sur un circuit de sable, il faut avoir une sacrée expérience de la mise au point ! Cela ne signifie pas que ce soit sans effet, mais une intervention de cet ordre se traduit par un changement très théorique. Qui agit surtout dans la tête du pilote ! Ça fonctionne, d’ailleurs. Mais si on on revient au réglage de départ sans le lui dire, il ne s’en rendra pas compte. Pour sentir une différence sur une fourche, il faut agir sur au moins 10 clics.
En motocross, on le sait, c’est davantage le pilote que la moto qui fait la différence, ne serait-ce que par l’amplitude des mouvements qu’il doit effectuer sur sa machine. Une différence de 10 cm vers l’avant ou l’arrière influe considérablement sur l’équilibre de la moto et donc son comportement. Le monde de la moto doit aussi être aidé « psychologiquement ». Les pilotes aiment être mis dans les meilleures dispositions avec la dernière technologie. C’est pourquoi nous essayons de faire comprendre à nos centres qu’ils doivent équiper leurs ateliers d’un matériel hautement développé afin d’offrir à l’utilisateur une assistance technique qui le mettra en confiance. Nous travaillons beaucoup sur ces équipements car c’est le meilleur moyen pour nos centres d’offrir un service de qualité. En motocross, au bout de vingt minutes de course, l’amortisseur doit réagir comme au premier tour. Son fonctionnement ne doit pas être altéré parce qu’il a chauffé. »