Par la suite j”ai eu l”opportunité d”aller rouler sur le terrain d”entraînement de Jeremy Mac Grath juste après l”épreuve de San Diego. Je venais juste d”avoir l”autorisation de Roger De Coster pour aller rouler le Supercross de Phoenix en 250. J”étais impatient. Je me sentais bien. J”étais très en forme. Je roulais 30 tours à l”entraînement avec ma 250 sans éprouver la moindre fatigue. Puis quand je suis allé m”entraîner sur le circuit de Jeremy je me suis cassé le pouce. L”accélérateur est resté bloqué à fond, je me suis retrouvé coincé dans la roue arrière. Je n”y suis resté bloqué que 2 secondes mais assez longtemps pour qu”il y ai du sang partout. Ca m”a aussi abîmé tout le muscle du bras. En plus de mon pouce fracturé je ne pouvais même plus bouger mon bras, je ne pouvais plus rien faire. Ma confiance qui était à son maximum est subitement redescendue au plus bas dans les broussailles. Je me suis alors dit tout cet entraînement depuis des années et je vais tout rater.
Je suis allé voir le docteur et il a confirmé que j”avais le doigt cassé et un muscle du bras déchiré. Mais il m”a dit que le muscle se guérirait par lui même. Je savais que je risquais gros si je roulais aussitôt, mais le docteur m”a conseillé d”avoir le plus possible de journée sans moto afin que la blessure se résorbe plus rapidement.
Je pouvais continuer à courir et faire du vélo mais pas plus d”exercice sur le haut du corps et pas de moto. La première fois où j”ai repris la moto était ma première course de l”année à Indianapolis et je devais rouler avec une attelle. En arrivant à cette première course je n”étais pas très confiant sur mon endurance, ou comment j”allais m”en sortir car mes blessures continuaient à me faire très mal.
C”était tout de même une super sensation de venir à ma première course à Indianapolis, parce que c”était ce à quoi j”avais rêvé ma vie entière… faire une course de supercross professionnel, je savais que je n”étais pas à 100%, mais je me disais ” c”est le jour le plus cool de ma vie ! “
Ma famille est vraiment très proche de moi plus particulièrement du côté de mon père. Mon père est le patron d”une société d”entrepreneur et tous les employés sont de ma famille. Presque tous les jours pour le déjeuner je viens chez eux. Ma grand mère de 85 ans prépare le déjeuner pour nous. Nous sommes une famille très soudée.
Tout le monde était nerveux la semaine précédent Indianapolis, toute ma famille et tous mes amis avaient fait le déplacement. Ca m”a rendu un peu nerveux et content à la fois. Mais je ne savais pas à quoi m”attendre … allais-je pouvoir contenir la douleur durant tout une finale ? Suzuki était dans le même état d”esprit et n”avait aucune idée de ce qui allait se passer. J”ai réussi à terminer 4ème de la finale malgré tout.
En arrivant à Pontiac la deuxième épreuve du championnat de supercross j”étais malade, j”avais attrapé la grippe le mercredi et ça m”avait handicapé jusqu”au samedi matin. J”ai été incapable de faire les entraînements le vendredi et en plus mon bras continuait à me faire mal. Une fois de plus je n”étais pas encore sûr de ma forme et de mon endurance, ma confiance était encore au plus bas.
Malgré cela avoir eu la grippe était une bonne chose, au lieu d”essayer de rouler vite et de rester derrière les leaders, je me suis concentré à rester régulier. Je n”ai pas roulé aussi vite que je pouvais, mais j”ai roulé beaucoup plus tranquille. Beaucoup de personnes dans le team m”ont complimenté ensuite, en disant que j”avais changé et roulé beaucoup plus cool. C”était un net progrès pour moi et mon expérience.
Après la course de Pontiac, je suis resté chez Robbie Reynard. C”était la première fois depuis longtemps que j”avais la chance de m”entraîner et d”être prêt. Je suis allé dans la maison de Robbie où nous avons roulé et nous sommes entraîné tous les jours. On se levait à 7h du matin on partait à la salle de Gym à 7h30 et on arrêtait pas de s”entraîner et de rouler jusqu”à ce qu”il fasse nuit. J”étais impressionné de la manière vraiment dur à laquelle Robbie s”entraînait comme il revenait lui aussi d”une blessure. La course suivante était Atlanta où je termine 5ème.
Daytona était la première course où j”étais en totale confiance. C”était ma première course sans attelle à mon bras puisque je l”avais enlevé juste après Atlanta. Après Atlanta je suis resté 2 semaines à la maison de Robbie et nous avons travaillé et travaillé et travaillé. C”était la première fois que je me sentais aussi confiant puisque je pouvais rouler 20 tours à fond et pas seulement 15 comme une finale 125 normale. Daytona est la course la plus exténuante du championnat de supercross, et je me sentais prêt. Se sentir prêt est déjà un grand pas vers le succès. J”ai découvert le circuit et vu cette longue série de whoops. J”adore les whoops ! C”était la première course où je venais où j”avais une chance de l”emporter.
J”ai pris un assez bon départ, et j”étais très impatient pendant la course. Je n”avais pas encore appris à être patient. J”étais cinquième et j”ai pris la tête de la course dans le deuxième tour dans la série de whoops. C”était peut être un peu stupide de ma part mais j”étais vraiment super heureux. Le tour suivant j”étais toujours en tête et je me disais ” Je n”ai jamais été en tête d”un supercross avant ! “. J”étais tellement nerveux … je savais que j”allais tomber ! Et bien sûr, je suis tombé. Je suis passé par dessus le guidon, et je me suis traité d”idiot. Lorsque je me suis relevé, j”étais deuxième, ce qui était bien puisque j”étais capable de suivre Brock Sellards qui est vraiment un pilote calme. Je me suis mis à son rythme pour observer où il était plus vite mais surtout moins rapide que moi. J”ai réussi à le passer et ce fut de loin la meilleur sensation de ma vie.
La course suivante était St Louis. Ce fut une course où j”ai vraiment rouler ” smart “. La semaine suivant Daytona j”ai laissé mes brûlures au bras se cicatriser. Je me sentais vraiment bien en arrivant à St Louis de plus le circuit comportait encore une fois une longue série de whoops. J”ai pris un mauvais départ en finale mais je ne me suis pas affolé et j”ai pris mon temps. C”est une des seules courses où j”ai été patient, où je n”ai pas roulé au-dessus de mes pompes et encore une fois je gagne la course. Le mental du pilote est une grosse partie de la course, ce fut une course parfaite pour moi.
Le week end suivant je n”avais pas de course mais je suis quand même allé voir celle de Minneapolis. Je voulais regarder rouler les pilotes 125 de la côte Ouest. C”était vraiment très serré entre Bentley et Pingree. De plus je pouvais voir des pilotes de la côte Est en 250 comme Brock Sellards qui roulait vraiment bien.
Après ça, j”ai recommencé à m”entraîner dur pour notre course suivante à Pontiac, j”étais très en confiance en arrivant là bas. J”ai réussi mon premier holeshot de l”année dans ma série qualificative que j”ai d”ailleurs gagnée avec une bonne avance. En finale je crois que Roncada a pris un mauvais départ. C”est le seul pilote avec lequel je ne me suis jamais battu en un contre un encore. Pour ma part j”ai pris un bon départ en deuxième position, j”allais attaquer Tyler Evans mais je suis tombé dans la partie sablonneuse de la piste… Je me suis fait rouler dessus ! Puis je me suis relevé et dans le virage suivant j”étais avec Nick Wey en bagarre lorsque Michael Brandes nous a littéralement coupé en deux !! Je ne sais pas si Brandes s”est loupé dans l”enchaînement, ou quoi, mais il nous a vraiment percuté violemment. Je suis tombé 2 fois en 2 virages ! Brandes ne lâche jamais le morceau … il est sorti de la piste et a méchamment percuté le sol. Peut être que son accélérateur était bloqué à fond en tout cas il est resté out pour le reste de la saison de supercross et une partie de la saison de motocross ! Après cet incident avec Brandes je suis reparti et je termine second derrière Roncada.
Dallas était une course de la côte Ouest, j”ai donc passé la semaine avec Robbie à m”entraîner et je suis allé le voir rouler à Dallas. Puis la semaine après Dallas nous sommes retournés à la maison de Robbie pour s”entraîner encore.
La course suivante pour moi était New Orleans. C”était la première course de l”année où je sentais que je n”avais pas la vitesse pour rouler avec les leaders. Roncada était intouchable toute la soirée … il a tout gagné. En finale je suis tombé au départ je suis remonté second derrière Stéphane, il n”était pas encore très loin mais tour après tour il me distançait. Ca a été dur pour le moral.
Une chose que je n”avais jamais comprise jusqu”à cette année, et que j”essaye de comprendre pleinement, c”est le fait que vous ne rouliez qu”à une certaine vitesse. J”ai toujours pensé que si vous êtes plus rapide qu”un type à une course, il n”y a aucune raison pour que vous ne soyez pas encore plus rapide que lui la course suivante. J”y crois toujours un peu, mais maintenant j”ai compris que vous ne pouvez pas gagner tous les week-ends. C”est vraiment très difficile d”être le meilleur à toutes les courses.
Joliet était la course suivante et c”était aussi la finale du championnat de SX côte Est. J”étais un peu trop loin au classement pour la victoire même si je n”avais que six points de retard sur les leaders. Stephane Roncada et Brock Sellards étaient à égalité de points en tête du championnat. Je suis donc venu avec la détermination ” Je veux gagner cette course “. Tous les patrons de Suzuki étaient présents j”avais un maximum de pression.
J”ai gagné ma qualification et j”étais prêt pour la finale. En finale je pars troisième, à la moitié du premier tour j”essayais déjà de passer en tête. Je sentais que sur ce circuit j”étais le plus rapide. Puis je me suis dit qu”il ne fallait pas s”affoler que j”avais la course entière… Je voulais rouler cool, être régulier ne pas faire d”erreurs. Je ne devais pas gagner la course dans les premiers tours. C”est une chose que j”ai appris cette année.
J”étais troisième, je réussis à passer Stephane pour la seconde place, Fonseca est maintenant devant moi. Ernesto est arrivé un peu moins vite que je pensais sur un saut et j”ai percuté sa roue arrière. Je suis alors tombé et j”ai failli emmener Roncada avec moi qui était juste derrière. C”est quelque chose que je ne savais pas de Fonseca son style n”est pas comme les autres pilotes, Ernesto arrive un peu moins vite sur l”appel des sauts il peut donc mieux asseoir sa moto sur l”arrière. C”est juste une façon différente de rouler, j”aurai dû m”en rendre compte sur les vidéos. Un petit peu plus d”attention de ma part m”aurait aidé mais maintenant je suis averti. Je me suis relevé et repartis aussitôt mais je suis encore tombé, je roulais au dessus de mes pompes pour essayer de gagner cette course même si ça n”avait pas d”importance pour le championnat, j”ai réussi à remonter troisième. Ce n”était pas ce que j”attendais, et les responsables de chez Suzuki pour la première fois étaient déçus que je n”ai pas roulé calmement. Ca a été une grande expérience de plus.